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dimanche 11 octobre 2020

En route pour le salon SoBD 2020 à la Halle des Blancs Manteaux (si le Covid le veut) !

Passionnées internautes, chevronnés navigateurs du web,

Pour débuter ce premier article de l'automne du Horlart, je me permets de citer Renaud Chavanne, organisateur du salon consacré à la Bande dessinée SoBD, qui se déroule rituellement au tout début du mois de décembre et ce, depuis maintenant 10 ans, à la Halle des Blancs Manteaux, à Paris dans le 4ème arrondissement, en disant : "si le Covid le veut".

Si le Covid le veut, donc, la 10ème édition du Salon SoBD se tiendra bien du vendredi 4 au dimanche 6 décembre 2020 inclus.

Et j'en serai : je tiendrai stand, chaise, présentoirs, feutres et multiples créations sur papier, je veux dire, j'exposerai travaux d'éditions et illustrations personnels dans l'espace Underground du salon. Dans cette joyeuse et folle perspective, je l'avoue, je m'active. 

Au programme, si tout se passe au mieux, c'est-à-dire : 1°) - que l'imagination et l'inspiration créatrices soient toutes deux toujours au travail, de jour comme de nuit, durant deux mois encore ; 2°) - que le recours à des prestataires permettant notamment la fabrication de petits objets dérivés ainsi que l'impression à la demande d'exemplaires de mes derniers projets de livres soit complètement satisfaisant,  bien organisé en amont comme en aval ; 3°) - que la forme, la débrouillardise et la concentration nécessaires à la conduite réussie d'un tel travail, ambitieux, excitant, tentaculaire et chronophage parce que nouveau dans mon parcours, bref, que mon état général, moteur, mental et émotionnel, soit en acier trempé, moulé dans du béton armé et recouvert de kevlar scintillant pour l'esthétique... 

Que tout cela soit comme une belle idée fixe : autant dire que j'ai encore de la baguette sur l'établi !

J'écris et je m'égare. Je reprends là où je me suis égarée. Comme je m'apprêtais à l'annoncer ci-dessus : "Au programme, je présenterai, par exemple, les premiers livres de la collection Horlart, autoéditions toutes carrées déjà évoquées sur le blog à la rubrique OBJETS/ Autoédition ou sur la page OBJETS LIVRES ; je n'hésiterai pas à montrer des dessins (en noir et blanc et en couleurs) dont certains sont à l'origine de mes publications imprimées et je proposerai aussi à l'acquisition des mignardises colorées et savoureuses pour les yeux comme pour les doigts ou le cœur."

Cet évènement très attendu (je parle du salon et non de tout mon être recouvert de matière synthétique) sera, je l'espère, l'occasion pour moi de rejoindre une communauté de créatifs, dans une ambiance artistique et livresque — je l'espère (bis) propice à l'échange, à la réflexion, à la rencontre et aux discussions "enfiévrées".

Pour me suivre à la trace, ce sera bientôt sur Facebook : ouvrez l’œil (le plus beau et le plus habile) !

© ema dée

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Pour avoir des infos sur l'évènement SoBD des 4, 5 et 6 décembre 2020, Halle des Blancs Manteaux - Le Marais, c'est-à-dire dans des conditions respectueuses des règles sanitaires ses expos, ses tables rondes, ses conférences, ses ateliers, ses rencontres signatures, ses artistes et éditeurs-trices exposants-tes, les auteurs-trices et le pays invités-tées d'honneur, etc... rendez-vous sur la page Facebook ou  sur le site du salon : https://sobd2020.com/ 

        Affiche (extrait) ©Willem ©SoBD

mercredi 20 novembre 2019

Confidences d'artiste et réflexions personnelles : l'École du livre de Jeunesse et Benoît Jacques (1ère partie)

En septembre dernier, je réponds à l'offre proposée par l'École du livre de jeunesse de venir rencontrer à Montreuil, un artiste et auteur indépendant qui fait figure d'exception dans le paysage de l'Édition pour enfants et du Livre illustré, et de modèle pour moi : Benoît Jacques.

Cette rencontre vient s'ajouter à celles que j'ai déjà eu l'occasion de faire avec d'autres auteurs et illustrateurs de livres pour la Jeunesse ; toutes se présentent comme un moment et un lieu particuliers où convergent des intentions, des attentes et des désirs pluriels. Le Horlart archive deux écrits personnels plus anciens relatant ces évènements à la fois collectifs et individuels. Par exemple : 

– en 2014, un cycle personnalisé de rencontres avec une artiste plasticienne, autrice pour la Jeunesse, un créateur de bandes dessinées et un éditeur, approchés dans différents contextes (Les Visiteurs du Soir de la Bnf ou Les littératures graphiques à l'Université Paris 8), précédé de quelques remarques concernant un cycle de formations professionnelles sur le livre pour la Jeunesse (CPLJ-93).

– en 2013, un compte-rendu de ma participation à la matinale de la création de l'autrice et illustratrice Joëlle Jolivet, (1965 -...) au CPLJ-93.

Mon propos sera ici triple, exceptionnellement :  comme un écrin à la présentation de ma rencontre avec l'artiste, il abordera brièvement, en amont, l'offre de l'École, et plus longuement, en aval, les résonances de cet évènement avec mon propre parcours.

L'École du livre de jeunesse, premier centre de formation à la médiation en littérature jeunesse en France, installé dans les locaux du Centre de promotion du livre de jeunesse (ou CPLJ) à Montreuil (Seine-Saint-Denis), c'est la possibilité de rentrer en contact de manière privilégiée avec les acteurs et les problématiques - clés de l'Édition pour la Jeunesse. Et ce, pour soi pour d'autres , que l'on veuille se former sur le genre, ses formes, ses thèmes, les possibles pistes de médiations ou que l'on veuille se faire plaisir et se ressourcer, tout simplement.

 Hommage à La nuit du Visiteur de Benoît Jacques


1) L'École du livre de jeunesse et l'atelier éphémère de l'artiste : quoi, pour qui, pour quoi ?

Montreuil. Rue François Debergue. Une pièce. Sur un de ses murs, une fresque colorée. Des chaises installées, vides momentanément, à gauche et derrière, des étagères chargées de livres illustrés - ponctuellement, pour l'occasion, une sélection des titres de l'auteur ou de l'autrice invités -,  et non loin, sagement, près d'une fenêtre, des fauteuils ; on a sorti une cafetière, des bouilloires, du jus d'orange, du thé, des biscuits. C'est l'École. Elle propose des rencontres avec, notamment des créateurs de livres pour enfants. 

L’offre est alléchante puisqu’il s’agit, au cours de ces rencontres – échanges, entretiens privés, discussions – d’approcher de plus près des « univers » artistiques singuliers. La séance dure environ trois heures. Dans cet espace-temps aménagé, l’invité-e revient sur son parcours à sa manière. Le plus souvent, il s'agira de présenter – expliquer ou expliciter – des choix éditoriaux, d’écritures ou de mises en images, d' évoquer ses références artistiques et culturelles, sa formation artistique. En soutien, en illustration, les livres qui ont été édités, parfois ceux qui ne l’ont pas été ou qui sont en cours de création.  Certains artistes auront préparé un atelier, une animation. En filigrane, ces rencontres dessinent le visage protéiforme d’un métier passion, auteur - illustrateur, et d’un secteur d’activités à la fois artistique, culturel et commercial qui, toujours, fascine, l’Édition. 

C’est donc un moment privilégié. 

Pour les artistes, il peut représenter, par exemple, un "espace médian" entre intérieur et extérieur de la création, entre leur atelier privé et le hors-les-murs de l’atelier, : cet espace-temps qui autorise une prise de hauteur vis-à-vis de leur travail créatif quotidien, une mise en perspective. Possiblement, une mesure de l’impact que leurs livres, histoires racontées ou mises en images de textes, peuvent avoir sur les publics, en particulier, les médiateurs du livre. 

Publics majoritaires de ces moments d’écoute et d’échanges, ce sont souvent des femmes ; elles sont volontiers bibliothécaires, documentalistes, assistantes maternelles,  animatrices du livre, enseignantes en Lettres mais aussi  éducatrices spécialisées…  Parfois viennent des artistes, graphistes, illustratrices ou écrivaines. Pour elles, le cadre de l'École constitue le lieu et le moment idéaux pour interroger plus ouvertement l’auteur ou l’autrice sur ses intentions, les contenus de ses livres, les thèmes abordés et sur les choix esthétiques pris ou défendus dans le Livre. C’est aussi une manière plus libre et vivante de dire à l’artiste comment les ouvrages sont utilisés dans leur profession, et en particulier, comment les jeunes se les approprient ou ne se les approprient pas. Car chacun, chacune, vit une expérience personnelle et professionnelle unique avec les livres pour la Jeunesse. Individuellement et collectivement.

En sous-texte, ces "entretiens" contribuent, me semble-t-il, à travailler directement ou imperceptiblement à gommer ou contourner, du moins momentanément, une frontière. Un cloisonnement qu’expliquent des écarts (entretenus, justifiés ou non) de perceptions sociales, humaines ou professionnelles (le créatif versus le non créatif, l’artiste vs le vaste monde salarié, le texte  vs l’image, la Jeunesse vs l’âge adulte).

Les échanges, en ce lieu et cet instant, sont par conséquent propices aux révélations. Les artistes se dévoilent derrière leurs œuvres : les objets livres. (Un peu beaucoup passionnément). Au gré des confidences de création ou de fabrication, ils, elles, se livrent, tout en même temps, auteur illustrateur, autrice illustratrice, acteur, actrice –   artisans ! – d'un parcours unique, père, mère, artiste en proie (diversement) à des hésitations, des questionnements, des doutes ou à des épiphanies. 

C’est enfin pour toutes et tous, un moment de partages. Personnellement, c'est toujours un ressourcement.

 
Pour moi qui m'intéresse depuis longtemps au Livre illustré comme média, œuvre artistique et objet social et de collection, ce sont plus que de simples rencontres. Écouter un artiste parler de son travail, par ses mécanismes, choix, obsessions, regrets, joies et victoires, est aussi très formateur. Formateur par comparaison et différenciation avec mon propre cheminement dans le livre, album, bandes dessinées ou récit illustré. L'Écouter-voir l'Autre complète le Lire-faire à son tour. En outre, il me semble que comprendre la démarche d'un auteur (ou d'une autrice) qui a fait le choix de l'indépendance peut m'aider à délier les nœuds qui se font en moi dès qu'il s'agit de me lancer moi-même dans l'aventure, hors des sentiers battus de l'édition à compte d'éditeur. 

Parler de mon admiration pour le travail créatif de cet auteur outsider, comme partager mes impressions sur Le Horlart, espace dédié à mes créations et à l’univers artistique, social et culturel qui les nourrissent, m’apparaît telle une évidence.  J'aime penser que de part le monde de l'Art, il est des "marges" actives.  

Benoît Jacques (1958 - ...) est ce qu'on peut appeler aujourd'hui un auteur auto-édité ; d'autres murmureront "auteur-éditeur", ce qu'il n'est pas vraiment, il n'en a pas le statut ; il préfère l'appellation plus juste d'auteur indépendant pour désigner, plus spécifiquement, une situation professionnelle, un état d'esprit ainsi qu'une organisation physique, mentale et sociale, capables de donner le jour à des objets livres originaux, qui comptent.

Mon compte-rendu sera comme je les affectionne, c'est-à-dire enrichi, à certains endroits de réflexions, de digressions, de commentaires purement partiaux... et d'images ! Car, c’est sans honte ni réserve que je déclare ceci : je suis fan.  

En cliquant ici, la lecture de l'article se poursuit et aborde la présentation du travail de Benoît Jacques par Benoît Jacques.  

© ema dée

mardi 19 novembre 2019

Confidences d'artiste et réflexions personnelles : l'édition indépendante made by Benoît Jacques (2nde partie)

L'article suivant se concentre sur une présentation personnelle du travail d'un auteur autodidacte que je rencontre grâce à l'École : Benoît Jacques. Ce texte prolonge et illustre le compte-rendu commencé dans la publication précédente qui a traité de l'offre de l'École du livre de jeunesse. Celle qui permet, en particulier, d'approcher autrement des artistes du Livre.

Auteur d’origine belge et résidant en France, il publie des livres illustrés, pour la Jeunesse – aux dires de la critique, parce que lui-même ne s’impose pas de limites aussi précises concernant sa cible potentielle ou son lectorat. "Créateur multiforme", il publie des récits illustrés, des imagiers, des albums, des flipbooks, des carnets... "Ses livres sont faits pour ceux qui aiment ses livres", grands comme petites enfants, me permettrai-je d'ajouter.
 
Je désire le rencontrer car il représente pour moi et depuis bien des années, une sorte de modèle. Non à suivre ou à copier, plutôt à approcher et à entendre afin d'être capable de mieux penser l’aspect « conception de projets de livres » dans ma propre démarche de créations artistiques. (Sans pour autant cultiver une forme d’exclusivité, de rejet de l’existant ou de culte pour les chemins de traverse, je suis très attachée à l’idée d’une création Do It Yourself, surtout dans le livre.) 

 Hommage à Attention extraterrestres de Benoît Jacques

2) Dans la fabrique du livre de Benoît Jacques : parcours personnel, démarche artistique et autoéditions

Placé au début comme à la fin de la chaîne éditoriale, Benoît Jacques est quasi le seul maître d’œuvre dans et de sa création dont il a su imposer tranquillement l’originalité, l’opportunité et la résistance. Pour Benoît Jacques Books, il conçoit seul le contenu de ses ouvrages. En trente ans, il a su, néanmoins, habilement développer un réseau personnel, solide, pour l’assister dans la fabrication et la vente de ses livres ainsi que leur promotion : il travaille avec des interlocuteurs ciblés ; ses petits objets livresques sont vendus dans une quarantaine voire une cinquantaine de librairies différentes en France ou en Italie, notamment ; il a son stand au Salon du livre et de la presse de jeunesse de Montreuil ; il est bien connu des bibliothécaires jeunesse ; enfin, il est sollicité pour effectuer des résidences de création et animer des ateliers. Selon moi, il est un artiste complet. Il a réussi le pari de trouver sa place dans le paysage de l’édition tout en développant une démarche assez unique : devenir un auteur - éditeur lu ET reconnu. 

Une démarche et un engagement personnels forts qui plongent leurs racines et leurs principales caractéristiques dans son enfance. Benoît Jacques aime à penser que "l'Enfance estampille l'adulte en devenir". Lui-même voit ses créations livresques comme des formes évoluées de ses tout premiers objets faits à la main durant sa jeunesse.

Dans ses débuts, B. Jacques poursuit deux directions : illustrateur pour la presse anglo-saxonne et concepteur de livres. Sans la première activité facilitée en Grande-Bretagne où le dessin de presse est perçu différemment par rapport à la France (pendant quelques années), l’auteur-illustrateur bruxellois n’aurait pas jouit de la même liberté de création de livres à sa manière et selon ses propres conditions et exigences. En esthète patient, passionné et rigoureux, il est en effet exigeant, qu’il s’agisse du choix du support d’impression, de la typographie, de la couverture... Son premier livre Play By It bear, leçon de musique, une réflexion ludique sur l'écriture des partitions de musique, est un objet insolite qui depuis sa création en 1989 se vend toujours bien. Sa facture simple et soignée en fait le premier objet à lire publié par Benoît Jacques Books

 
 Play by it Ear : leçon de musique © benoît jacques books

Une indépendance dont il fixe très vite la marche à suivre : il travaille seulement avec les libraires qui lui achètent ses stocks. Selon l'auteur, laisser sa production éditoriale en dépôt comporte un risque. Le libraire est moins engagé dans l’idée de vendre le livre, ne peut pas forcément ou ne prendra pas le temps de le mettre en avant.
On peut aisément comprendre cette situation : face à une surproduction de livres, la pression de la nouveauté et l'exigence d'entretenir un fonds varié et de qualité, les libraires, même les plus patients, passionnés et audacieux, sont amenés à faire des choix promotionnels.  

Autre risque, le livre peut être retourné abîmé, devenant par conséquent invendable ailleurs. Situation très dommageable pour un auteur indépendant qui travaille avec des stocks toujours plus réduits que l'Édition classique. Le ou la libraire qui achète le livre va vouloir le vendre, rentrer dans ses frais ; c’est la meilleure des motivations pour les libraires comme pour l'artiste - auteur. 

Éditer soi-même un livre c'est se confronter rapidement à des problématiques matérielles qui, en quelque sorte, expliquent et "formatent" l'aspect des créations imprimées. Benoît Jacques publie préférablement des livres en noir et blanc, moins onéreux ; par contre, il peut s'autoriser  la trichromie ou la quadrichromie pour ses jaquettes, couvertures et emboîtages,  et, de temps en temps, pour un livre entier. Ce fut le cas par exemple pour La nuit du visiteur, un album délicieusement irrévérencieux qui a été récompensé par le Baobab de l'Album au Salon du livre et de la presse jeunesse de Montreuil, en 2008.

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La nuit du visiteur © benoît jacques books

Parmi les étapes de fabrication du livre, l’impression est une activité passionnante. Elle doit être bien réfléchie au niveau économique comme commercial. En effet. Benoît Jacques s’autofinance. Très vite, dès le début de son activité, il a su définir une conduite personnelle fondée sur un système quasi fermé : réinvestir ce qui est gagné grâce à la vente de ses livres dans la création d’autres livres. Pour cela, et c’est une de mes interrogations personnelles qui trouve là une réponse, il convient de trouver le ou les bons imprimeurs, c’est-à-dire ceux qui, en fonction de sa création, seront les mieux-disants, et ceux avec lesquels il apparaît possible de nouer une collaboration. Ce rapprochement peut devenir vite très utile : il permet de solutionner des questions de fabrication, de concrétiser des envies – le champ des possibles s'élargit – , tout en fournissant un produit de qualité, dans des quantités viables et rentables. 

Il faut, précise l’artiste, savoir aussi se tourner vers les petits imprimeurs qui travaillent de manière artisanale car eux peuvent se permettent des tirages en éditions limitées. Ce n’est pas toujours le cas des gros imprimeurs qui ont besoin d’un certain volume de livres à imprimer pour rentabiliser la simple mise en route de leurs machines. 

Ces choix interagissent avec l'esthétique des livres de Benoît Jacques : par exemple, son dessin, oscillant entre expressionnisme et art brut, est valorisé par l’impression en noir et blanc sur beaux papiers. Réfléchir au livre en terme de coût de revient a l'avantage de permettre à l'auteur des explorations éditoriales qui valorisent, en même temps, ses choix d'écritures et sa conception de la lecture. Chaque livre devient entre ses mains un objet d'artisan et d'artisanat, et chaque livre a son identité, dans un ensemble homogène de publications d’une grande diversité. Ce qui les réunit ? À mon sens, un trait d'esprit versé dans l'humour, le décalage qui fait réagir et réfléchir et la radicalité du dessin.

S'auto-éditer ou s'éditer de manière indépendante signifie également travailler dans la durée. Parce qu'il ressent un véritable attrait pour le livre bien fait, tel un défenseur du DIY avant l’heure, il aime faire le livre avec temps et soin, défend un positionnement « artistique » face à sa création livresque. Il produit peu de livres  mais chacun est un objet qu'il a plaisir à fabriquer, lire et voir lire. Il reste toutefois très à l’écoute du Marché du livre. Il sait notamment l’engouement actuel des jeunes lecteurs pour les livres pop-ups, ces constructions en volumes qui jaillissent des plats du livre. Ces objets à lire avec les doigts et les yeux demandent un travail très minutieux, coûteux, fondé sur un savoir-faire que l'illustrateur ne possède pas.  L'ingéniosité de l'artiste compense  : il trouve à sa manière des astuces et des pistes de lectures et/ ou de manipulation du livre, telles que des liens textes-images inédits, du suspense ou des surprises qui se glissent entre les pages du livre. L'acte même de lire devient un objet ludique



Hello Poppeup ! © benoît jacques books

Et quand le succès éditorial est au rendez-vous, comme fait-on pour gérer ? 

Le prix Baobab de l'Album qui lui a été décerné pour son livre La nuit du visiteur a été une vraie surprise pour lui. Un succès mérité : le livre est un délice de lecture, un exemple d’irrévérence réjouissante et un bel objet de création qui aborde judicieusement le thème de la Peur. Une telle distinction est suivie rapidement d'effets :  l'auteur-illustrateur reçoit en un temps record des demandes et les voit affluer de partout, en même temps. Un coup de projecteur et une fortune commerciale très gérables pour une structure éditoriale de grande ou moyenne taille, lourde pour une toute petite structure qui voit son rythme de croisière courant s’accélérer, avec la pression de répondre bien et très vite aux commandes. 


Le Baobab de l'Album est aussi une consécration : il vient célébrer officiellement l’excellence et la pertinence du travail mené par Benoît Jacques depuis des années, en faveur de la Lecture pour la Jeunesse, les Arts graphiques et la Création artistique et éditoriale. 

Cet article se poursuit et se conclut avec un troisième texte,  complémentaire, à découvrir en cliquant ici. J'y aborde la création éditoriale indépendante dans ma démarche de créations artistiques, comme un retour sur soi favorisé par ma rencontre avec Benoît Jacques. Tirant des leçons des maîtres, je me pose en particulier deux questions : devenir autrice indépendante est-il compatible avec un travail d'autrice-illustratrice pour l'Édition à compte d'éditeur ? Quels avantages y a-t-il à développer une démarche alternative, et s'il y a des prérequis, quels sont -ils  ?

© ema dée

lundi 18 novembre 2019

Confidences d'artiste et réflexions personnelles : le modèle artistique "Benoît Jacques" ? (3ème partie)

Ma rencontre avec l'auteur, illustrateur et dessinateur de bandes dessinées Benoît Jacques vient s'ajouter à celles que j'ai eu l'opportunité de faire dans des conditions similaires avec d'autres auteurs et autrices de livres pour la Jeunesse : Elzbieta, Joëlle Jolivet, François Place, Kitty Crowther, Loren Capelli, Kvéta Pacovska ou Roberto Innocenti, par exemple.

C'est comme recevoir à chaque fois une leçon des maîtres dont il faudrait, cependant, pouvoir conserver les plus sages conseils et les anecdotes les plus instructives ; une sorte de guide aux multiples entrées, qui viendrait non pas se substituer à sa propre initiative et à sa propre créativité, mais davantage accompagner, solidifier, borner ou élargir si besoin, l'imagination, l'entrain, la volonté de faire et le faire personnels.

Benoît Jacques vit l'évènement avec enthousiasme, s'intéressant autant à la réaction que suscite ses livres qu'aux raisons pour lesquelles chacune est venue assister, un après-midi de septembre, à la présentation illustrée de son chemin dans la création de livres. Interroger l'autre, parfois en se manifestant à lui par une simple présence intéressée et curieuse, c'est s'interroger soi.
 
Second hommage à Attention extraterrestres de Benoît Jacques

 
3) Devenir artiste indépendant(e) dans le champ du livre illustré ? : questionnements, démarches et pistes d'accomplissements

Quand on cherche à se lancer dans une activité indépendante limite underground telle que je me représente l’activité d’autrice auto-éditée aujourd'hui, on peut avoir à la fois peur et être très fier(e) de soi à chaque étape franchie ; je peux ressentir de l'orgueil et de la crainte à chaque nouveau pas que je fais vers mon but : transformer des idées en livres à publier, proposer moi aussi aux publics des objets singuliers qui comptent, organiser et faire vivre ma toute petite entreprise, dans la limite des quantités et des conditions d'exposition que je peux me fixer.

Mais avoir des idées de petits objets livres illustrés, imaginer des projets de couvertures, lister des envies de promotions originales directes et indirectes, c’est bien, c’est le moteur de base ; il faut plus, évidemment, pour faire démarrer sa petite auto, lui permettre de s'engager sur des routes vicinales, avant d’emprunter les départementales ou carrément, l’autoroute, chacune ses petites ambitions.  


Il est, par conséquent, résolument formateur dans le parcours qui est le mien, c'est-à-dire qui jongle joyeusement entre académisme et autodidaxie, de côtoyer des artistes dont le parcours, les perspectives ou les réalisations, sont sinon assez analogues mais proches. L'Autre que j'écoute a su emprunter des chemins de traverse et tracer sa voie solitaire, auxquels le temps, la permanence, accorde une valeur d'expériences fondatrices, de modèles. 
 
Je mesure cependant la distance.

Pour le démarrage de son activité de publication, on peut se "réclamer" de l'une ou l'autre stratégie. Préférer à celle visant à se constituer, en point de départ, un petit catalogue de titres bien ficelé et démarcher les distributeurs et les salons éventuels ensuite, celle où l'on mise tout sur la vente (à succès) d'un seul livre : on observe alors la courbe ascendante des gains afin de s’en servir, sans doute, comme mise de fond et boîte à outils personnalisée, pour les publications à venir. Il reste cependant fort à faire pour parcourir la distance entre le A et le Z d'une autoédition de qualité. Certes, il  y a l'Autoédition mais il y a une variété d'auteurs et d'autrices indépendants. 

Hommage à Je te tiens de Benoît Jacques

Dans tous les cas, je réalise en écoutant le parcours de Benoît Jacques que si la route n’est pas pavée, elle a au moins une unique direction : vouloir faire et vendre des livres sans transiger avec son identité. L'autoédition amène l'auteur à assumer plus d'un rôle, une somme de fonctions qui d'ordinaire, je veux dire dans l'édition à compte d'éditeur – même dans une petite structure éditoriale –, sont assumées par plusieurs personnes. Dans sa présentation, l'illustrateur belge n'omet pas de préciser ce qu'il estime être, à la lumière de l'analyse de son cheminement, des prérequis, ou si l'on préfère, des conditions préalables, – une sorte de "prédisposition" à la fois émotionnelle, organisationnelle, sociale et presque psychologique – qui participent d'un choix spécifique qu'il a fait, il y a trente ans, de devenir auteur indépendant. En voici quelques-uns :

- La capacité à (s') investir, sur le long terme, dans un projet de créations solide, renforcé par la conviction et l'assurance. C'est un conseil simple relevant même de l’évidence sur lequel l'auteur belge insiste. L’autoédition ne peut pas être menée dès le début pour des raisons financières ; c'est l’envie de faire des livres à sa manière et de faire connaître ses livres à sa manière qui est la clé. "L’erreur sera au rendez-vous, l’erreur est humaine, mais elle ne doit pas remettre en question le projet";

- La recherche d'un équilibre dans sa gestion financière et de sa multi-activité. Il convient de distinguer tous les aspects propres à la création éditoriale indépendante des contingences qu'imposent d'autres activités professionnelles que l'on peut avoir à exercer en parallèle ;

- L'attraction pour une pratique éditoriale indépendante – qui n'écarte pas les canaux d’édition courants –, et un goût prononcé pour l’alternatif permettant de s’octroyer un temps plus élastique, des marges de manœuvres souples, un rythme et une exigence personnalisables. Une marche de côté qui inclut aussi la recherche de rigueur, l’adaptabilité et l’attrait pour la nouveauté ;

- Développer plus qu'un statut d'auteur illustrateur, vouloir trouver son identité en tant qu'artiste.  Le livre se présente alors aussi comme un objet d’art. Il est plus rare. Il bénéficie d’un réseau de distribution. L’artiste y expose ses thèmes, définissant les caractéristiques esthétiques de ses créations selon ses contingences et exigences ; c’est ce qui est motivant dans l’idée de faire ses livres seul ; 

- Savoir fonctionner en solitaire. L’autoédition est une activité à part entière dans laquelle il faut vouloir être le seul maître à bord, sans se fermer pour autant, aux collaborations fortement conseillées avec, en particulier, des imprimeurs, des salons, des foires du livre, ou occasionnelles (autres artistes ou artisans) ;

- Le besoin d'autonomie. Avoir envie de fonctionner avec ses propres règles, selon son fonctionnement propre. Être prêt pour cela.

S’agit-il de profiter de l'opportunité de ce compte-rendu-hommage à Benoît Jacques, pour écrire, en filigrane, un plaidoyer pour une forme d'activité artistique dans laquelle une seule personne contrôle tout ? Avec aux commandes un égo surdimensionné ? Non. Définitivement, non. Je rejoindrai ici l'avis de beaucoup qui avancent, à raison, que l’autoédition est à la fois un art en devenir, un work in progress et une école de l’Édition. Grâce à elle, graphistes, illustrateurs, dessinateurs de BD et écrivains de tous bords peuvent exprimer leurs idées et les diffuser, là où le courant plus classique de l'édition ou du champ de l'Art, va soit mettre plus de temps à les publier, soit les refuser, tout simplement. 

Et à cela des raisons diverses, parmi elles : un créneau pas suffisamment vendeur ;  le sujet est spécifique, trop restreint à une très petite frange d'acheteurs potentiels ; la surproduction de livres justifie un turn over rapide sur les étals des librairies et peut limiter la prise de risques ou la durée accordée à un livre pour trouver ses lecteurs ; enfin, peu de place est laissé au "pas encore mature bien que talentueux" et au " projet pas assez abouti".  Il faut tout de suite que ça marche, l’expérimental n’a pas forcément lieu d’être... Beaucoup de bonnes ou de mauvaises raisons qui font le lit de l’autoédition. Menée en parallèle ou d'une manière exclusive.

Pour d’autres créatifs comme Benoît Jacques, c’est surtout un moyen concret de pouvoir conserver pour le livre une passion égale, et sauvegarder un élan quasi enfantin, une envie irréductible de faire, de fabriquer, que la perspective d'échecs ou de refus systématiques pour des raisons-types, dans le monde plus "institutionnalisé" de l’Édition à compte d'éditeur, pourrait décourager. (Peut-être suis-je faite un peu de ce matériau-là, moi aussi ?)

Au sortir de cet entretien, quelques semaines après, je fais pour moi-même une sorte de bilan d'étape. Forcément. Je me construis par comparaison et dans la différenciation. Pourquoi l'autoédition ? Que puis-je dire à propos de mon propre parcours de créations ? :

Par goût pour la fabrique du livre de A à Z. J'aime par exemple l'étape consistant à créer une couverture "impactante" ou celle où je tiens dans mes mains la première épreuve du livre terminé, ou encore, celle durant laquelle je peaufine la mise en page, page par page, pour trouver un équilibre à la fois d'ensemble et pour chaque double-page ;

Pour donner une forme séduisante et terminée à mes idées. Il y a quelques années, parce que j'essuie des refus répétés dans l’édition pour la Jeunesse qui me désolent, je me retrouve avec des projets prématurément avortés... que j'abandonne, par déception, colère... Faire moi-même mes livres, c’est finir un projet. C'est donner sa chance à une idée de se développer à sa manière, d'être visible, même si elle ne va concerner au final qu’une frange très réduite de la population des lecteurs ;

Le livre comme "espace de rencontres". Le texte et l’image que j'affectionne – dans l'état actuel de mes savoir-faire et de mes moyens matériels –, je les associe plus facilement dans mes livres actuels que dans mes expositions d'Art passées ;

  Le livre comme art "multimédia" : j'y mets en scène mes explorations et recherches (séries de dessins, poésies, récits brefs, textes lus)  diffusées via mon blog, des plateformes de microblogging ou de diffusion de sons (Tumblr, Soundcloud) ;

Le livre comme "musée" : j'y organise thématiquement, commente, redéfinis mes archives numériques et mes archives papier ;

Le livre comme "pulsion" et "contrôle" : une idée vient, une idée en texte-image est là, diffuse, prégnante ou aiguë comme une migraine. Le livre en devient la manifestation et peut prendre un corps dont je peux faire le tour, devient le remède jusqu'à la pulsion suivante. D'aucuns parleront probablement et plus simplement ici d'une forme résiduelle d'"impatience enfantine" ;

Enfin, la solution à un déchirement intérieur :  je cherche à répondre à mon besoin d'exprimer et de montrer sans honte ni entrave une créativité protéiforme, tout en cultivant une voie de création parallèle, susceptible de trouver sa place dans l'Édition à compte d'éditeur.  Je veux dire, recevoir des commandes en qualité d'autrice et d'illustratrice,  et être en mesure, en quelque sorte, de me passer, ponctuellement, des commandes à moi-même pour de nouveaux projets de livres. Peut-être une manière LA démarche me permettant d' être à la fois dans la lenteur et la brièveté, la contrainte et la liberté, plurielle et... une ? 

Je ne peux m'empêcher de penser à d'autres artistes qui ont développé une démarche alternative à une production diffusée (plus mainstream ?) via les canaux classiques : dans le champ des Arts plastiques, Edward Ruscha ou Dieter Roth pour qui le livre d'artiste était l'antithèse de l'artisanat imposé par l'Oeuvre d'art, son prolongement ou venait court-circuiter le logique des galeries d'Art ; dans le champ des Arts graphiques, Jean Giraud, il signa sous deux pseudonymes différents des bandes dessinées aux styles bien distincts (le Western/ Gir. pour Blueberry et la Science-fiction/ Moebius aux Humanoïdes associés et pour Métal Hurlant) ; et dans le champ du livre pour enfants, Cécile Gambini, autrice et illustratrice (Seuil Jeunesse, Albin Michel, L'atelier du poisson soluble...), créatrice de Pavupapri, édition-galerie de dessins originaux et d'objets livres d'artiste, en céramique notamment...

Tout cela me laisse songeuse.

© ema dée

lundi 18 février 2019

U pour Tomi Ungerer, le brigand conteur

Il y a peu, un brigand s'est éteint ; les souvenirs se débobinent :

Un jour/ d'une année révolue/ nostalgique/ dans une ville moyenne de banlieue/ une cité peu radieuse/ série grise et faits variés/ dans cette cité/ un lieu de proximité/ une petite vie culturelle/ un abri/ de plain pied/ une médiathèque/ dans ce haut lieu du loisir pour tous/ grandes baies vitrées et moquette galopante/ une fille/ debout/ un peu paniquée/ au milieu d'un grand abécédaire/ un labyrinthe de bacs/ dans ces bacs/ bas et carrés/ en bois clair/ un arc-en-ciel/ des milliers de livres/  des albums/ en rangs serrés/ les uns derrière les autres/ une parade !
  © tomi ungerer

Une fille/ jeune assistante en bibliothèque pour enfants/ curieux/ sages ou turbulents/ des tout-petits aux géants/ sans oublier ni les moyens ni les grands/ une fille/ fraîchement recrutée/ perdue/ face à la profusion de l'édition illustrée pour la Jeunesse/ mais bien installée dans ses collants opaques/ bleu marine/ se demande par où/ par où commencer/ à lire/ ses yeux/ se promènent/ s'égarent/ ses doigts/ contre le dos/ contre la tranche/ des livres/ trottent/ font des bonds/  sa joie/ son impatience/ sa soif de découverte/ la pressent de lire/ les noms/ les titres/ ses lèvres/ remuent/ vite/ sans s'en rendre compte/ elle récite/ son alphabet...

 © tomi ungerer

A pour Ahlberg (Allan & Janet), Alemagna (Béatrice), Angeli (May)/ B pour Bachelet (Gilles), Battut (Éric), Blake (Quentin), Brown (Anthony), Brunhoff (Laurent)/ C pour Capelli (Loren), Claveloux (Nicole), Clément (Frédéric), Cole (Babette), Couprie (Katy), Crowther (Kitty)/ D pour Daniau (Marc), Daufresne (Michelle), Dautremer (Rebecca), Dedieu (Thierry), Doray (Malika), Douzou (Olivier)/ E pour Elzbieta, Erlbruch (Wolf)/ F pour Fortier (Natali), Francotte (Pascale)/ G pour Grandin (Aurélie)/ H pour Herbauts (Anne), Hiwamura (Kazuo), Hoban (Tana), Houdart (Emmanuelle)/ I pour Innocenti (Robert)/ J pour Jacques (Benoît),  Jolivet (Joëlle)/ K pour Kimiko, Krings (Antoon)/ L pour Le Saux (Alain), Lionni (Léo), Louchard (Antonin)/ M pour Makuka (Mariko), Moon (Sarah)/ N pour Nadja, Novi (Nathalie)/ O... / P pour Pacovska (Kvéta), Pennart (Geoffroy de), Place (François), Ponti (Claude), Pommaux (Yvan)/ Q ... / R pour Ramos (Mario), Rascal, Roca (François), Rosentiehl (Agnès)/ S pour Sara, Sendak (Maurice), Solotareff (Grégoire)/ T ... / U pour Ungerer (Tomi)/ V pour Vaugelade (Anaïs), Vincent (Gabrielle), Voltz (Christian)...*

Que d'histoires/ que d'aventures/ que d'héroïnes/ que de héros/ que de formats/ que de styles/ graphiques/ narratifs/ différents/ par où commencer ?!
 © tomi ungerer

La question/ fondamentale/ se répète/ dans les premiers jours/ qui se répètent/ quoi raconter ?/ par qui/ par quoi commencer / sans se tromper ?/ comment plaire / sans  s'égarer ?/ se demande la fille/ dans ses bas bariolés/ chaque mercredi après-midi/ car le mercredi après-midi/ c'est l'heure du conte/ on  l'attend/ on la regarde/ quelle histoire va-t-elle choisir ?/ où va-t-elle nous emmener/ cette fois ?/ s'interrogent les voix enfantines/ la question n'a pas une réponse/ la question a des milliers de réponses.

L'apprentie raconteuse d'histoires a toujours aimé le bleu/ le bleu veston/ le bleu pantalon/ le bleu conte/ le bleu contrat/ le bleu culture/ le bleu lecture/ le bleu ciel/ le bleu nuage/ la fille lira/ en tout premier/ Le nuage bleu/ de Tomi Ungerer/ elle découvre/ avec un enthousiasme effrayé / Tomi Ungerer/ le 4ème des trois brigands/ Tomi/ l'auteur/ Ungerer/ l'illustrateur/ pour la Jeunesse/ il raconte/ il dessine/ de bien drôles d'histoires/ peuplées de personnages étranges/ insolites/ à part/ comme des hymnes/ à la différence/ l'originalité/ la liberté/ des animaux chapeautés/ des géants aux dents pointues/ des petites filles délurées/ des lunes mélancoliques/ Le nuage bleu/ c'est l'histoire d'un nuage/ sympa/ tout souriant/ tout rond comme un bouddha/ qui refuse de pleuvoir...

Jean de la lune/ Guillaume l'apprenti sorcier/ Adélaïde/ Allumette/ Le géant de Zéralda/ Crictor/ Amis-Amies/ Otto/ Les trois brigands/ Le chapeau volant/ Flix/ susurrent/ leurs  aventures/ surprenantes/ pendant les nuits/ oranges/ insomniaques/ fenêtre entrouverte/ sur rue/ calme et boisée.

 © tomi ungerer

Plus tard/ dans un ailleurs/ plus proche/ une exposition parisienne/ la lectrice confirmée/ amateur d’œuvres graphiques sur papier/ rencontre/ des pensées secrètes/ Tomi/ use d'encre de Chine et de pinceaux/ Ungerer/ dessine à la plume/ des situations/ relevées au vitriol/ des figures/ fines/ haut perchées/ court-vêtues/ postérieur grassouillet/ poitrine proéminente/ des figurants/ cossus/ mal fichus/ laids/  ce sont des dames coquines/ attachées/ ce sont des hommes d'affaires opulents/ en représentation/ c'est l'individu du quotidien/ pris au piège/ inadapté social/ dans une vie truquée/ c'est le corps/ mis à mal/ érotisé/ toute une comédie humaine/ noire, blanche, drôle et grinçante/ délicieusement caustique/ réservée aux Grands/ avertis/ et consentants/ très.


 © tomi ungerer

Un dimanche morne/ février glacé/ une banlieue silencieuse/ bleu nuit/ à sa table de dessin/ installée/ la créatrice chevronnée/ entend/ un murmure/ depuis le web/ une lumière s'est ternie/ la veille/ un géant vient de fermer les yeux/ à tout jamais/ Tomi/ une dernière danse/ au grand chapeau/ sourire d'ogre/ galerie Martel/ Ungerer/ s'en est allé...

Les images de l'article sont extraites de :

- Tomi Ungerer, l'école des loisirs, coll. Tout sur votre auteur préféré, 2008
- Les animaux de Tomi Ungerer, l'école des loisirs, 1990
- Les animaux de Tomi Ungerer, l'école des loisirs, 1990
- Tomi Ungerer, l'école des loisirs, coll. Tout sur votre auteur préféré, 2008 
- Le nuage bleu, Tomi Ungerer, l'école des loisirs, 2000
- Pensée secrètes, Tomi Ungerer, Les cahiers dessinés, 2016   

Pour un tête-à-tête critique avec l'Oeuvre de l'auteur illustrateur alsacien, on peut lire par exemple, la thèse richement documentée de Thérèse Willer, parue aux éditions Graphic Art en 2011 et intitulée Tomi Ungerer, l'oeuvre graphique. 

* Mon alphabet peut paraître incomplet à des lectrices ou à des lecteurs spécialisés. (Il y manque les auteurs qui travaillent en collaboration avec, par exemple...) Mais, il ne peut être exhaustif car il est reconstitué, ici, de mémoire, pour les besoins de l'hommage que je rends à Tomi Ungerer, à travers ma première vraie rencontre avec la Littérature de Jeunesse et les albums illustrés

images et livres © tomi ungerer - texte © ema dée