Pris dans ma masse de travaux sur l'étude du caractère,
deux portraits griffonnés à partir de modèles femmes, entre personnage de carnet de voyage et personnage de fiction.
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Une femme du Yémen assise, dessinée à partir d'une photographie en couleur.
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Portrait expressif d'Hannah
Élève de l'école municipale des beaux-Arts de Saint-Ouen
J'ai commencé à dessiner Hannah sans y penser.
J'aimais la voir jour après jour, se préparer à peindre ses petites huiles un peu moches, dans un style tremblé, sur lesquelles elle semblait exprimer toute sa vie intérieure et son histoire. C'était une sorte d'attraction. Elle apportait son attirail de peinture et de dessin dans un petit caddie à roulettes, elle se mettait dans un coin et commençait son tableau sans se préoccuper de l'agitation de l'atelier. Elle peignait des petits portraits aux contours si flous qu'ils paraissaient grimacer ou pleurer au lieu de sourire. Elle peignait aussi de petites natures mortes, affreuses à souhait, car pleines de matières picturales posées maladroitement au pinceau et au couteau. Elle faisait cela dans un respect des proportions ou des règles de composition et une concentration plus entêtés qu'artistiques. Mais elle avait un goût assuré pour les contrastes de couleurs et mariait naturellement entre eux des tons improbables. Penchée ainsi sur son petit ouvrage posé sur un chevalet de table, elle avait un air de personnage de bande dessinée ou de livre pour enfants.
Sous le crayon qui cherchait à la représenter telle qu'elle était, apparut un personnage imaginaire, cocasse, tronchu, bossu que j'eus un peu honte de montrer une fois terminé. Par respect, je me forçai à le faire m'attendant à être moquée. Elle ne se reconnut pas. Elle dit qu'elle était plus jeune. Elle dit qu'elle n'avait pas les yeux si petits ni la bouche rentrée comme si elle n'avait plus de dents dans la bouche. Elle en avait des dents dans la bouche. Et pourquoi elle n'avait pas de bras ni de poitrine ? Non, vraiment, le portrait n'était pas ressemblant, le portrait était raté. Je lui dis comme pour me défendre que j'avais dessiné le personnage qui se cachait à l'intérieur d'elle. Elle me regarda avec curiosité.
Sous le crayon qui cherchait à la représenter telle qu'elle était, apparut un personnage imaginaire, cocasse, tronchu, bossu que j'eus un peu honte de montrer une fois terminé. Par respect, je me forçai à le faire m'attendant à être moquée. Elle ne se reconnut pas. Elle dit qu'elle était plus jeune. Elle dit qu'elle n'avait pas les yeux si petits ni la bouche rentrée comme si elle n'avait plus de dents dans la bouche. Elle en avait des dents dans la bouche. Et pourquoi elle n'avait pas de bras ni de poitrine ? Non, vraiment, le portrait n'était pas ressemblant, le portrait était raté. Je lui dis comme pour me défendre que j'avais dessiné le personnage qui se cachait à l'intérieur d'elle. Elle me regarda avec curiosité.
Après cela, je n'essayai plus de croquer mon voisin ou ma voisine ; je me suis lancée dans le dessin de personnage imaginaire, construit à partir de souvenirs mélangés. Volontairement caricaturés, difformes, disproportionnés, pour inviter à la non-comparaison avec le réel d'une rencontre.
En tout cas, j'avais et j'ai encore pour ce petit portrait rapidement réalisé à partir d'un modèle qui bougeait sans cesse, un peu gêné d'être regardé, cherchant à fuir presque, une sorte de tendresse.
© ema dée
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