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mardi 29 juin 2021

Abstraction féminine et images projetées au Centre Pompidou + étranges cosmogonies à la Halle Saint-Pierre : en juin, découvertes !

En juin, je revis littéralement : les musées et les centres d'art parisiens et franciliens ré-ouvrent, enfin ! Surtout, des expositions d'arts visuels annoncées depuis longtemps ont vraiment lieu et celles commencées avant le confinement que je craignais de rater durent encore, car pour la plupart, elles ont été heureusement prolongées. 

À la Halle Saint-Pierre, la "S"

Je sors de ma réserve habituelle pour parler crûment et franchement : c'est que du bon pour mes petites mirettes brunes en mal de jolies choses admirables. Comme vous ou comme certaines et certains d'entre vous, j'ai besoin de vivre l'Art au contact de l'Art : déambuler dans les salles successives, se perdre un peu dans la scénographie, échanger quelques mots perplexes ou satisfaits avec d'autres visiteuses, d'autres visiteurs, se planter devant un tableau, une sculpture, une tapisserie, un livre d'artiste..., entrer dans une intimité avec, rester pantoise devant, être conquise par ce qui se déploie devant soi, rien ne vaut ce moment de contact particulier.

Chez moi, une habitude sensible et tenace que n'ont pas pu égratigner d'un iota les vrais efforts des institutions, galeries, associations culturelles et artistes pour donner accès, durant le confinement, aux œuvres d'art et évènements en ligne, notamment avec les MOOCs et de jolies vidéos. En fait, disposer de 40 cm sur 30 cm pour visiter virtuellement un espace concret de plusieurs dizaines de mètres carrés, c'est définitivement pour moi une toute autre expérience. J'ai du mal définitivement !

 Au Centre Pompidou, le Tropical Garden II de Louise Nevelson

Parlons peu, parlons bien. Illustré de quelques images photographiques et vidéographiques, un compte-rendu personnel de trois expositions d'Art moderne et contemporain vues récemment : la première, dans le registre de matrimoine artistique, Women in Abstraction/ Elles font l'abstraction au Centre Georges Pompidou, la seconde, dans le registre de l'analyse de l'image projetée, James Coleman présente ses pièces vidéos racontées, toujours à Pompidou, la troisième, dans le registre du singulier et du bizarre bizarre, avec Dans les têtes de Stéphane Blanquet à la Halle Saint-Pierre. 

1) Abstraction, quand tu me tiens ou le matrimoine artistique s'expose ! 

Le Centre Pompidou (Paris 4ème) est actuellement en travaux mais ses activités culturelles et artistiques se poursuivent et sont accessibles à condition de penser à réserver sa place. En amont de l'évènement Women in Abstraction, une grande et très riche exposition des trop nombreuses artistes éclipsées (minorées, muselées ?) par l'Histoire, le musée a judicieusement proposé un MOOC pour re-découvrir les femmes engagées ; dans bien des disciplines, elles auront participé voire anticipé les formes et les mouvements d'avant-gardes qui ont façonné l'Histoire de l'Art occidental à partir de la fin du 19ème siècle, telle qu'elle nous est racontée. Et pourtant cette histoire-là, celle des femmes "guerrières" et de leur génie, est très peu connue du grand public, ou y a peu accès. Le Centre raconte le parcours de l'art abstrait "au féminin" à travers un cheminement dans des œuvres graphiques, picturales et plastiques, qu'il considère comme marquantes et caractéristiques, couvrant une période s'étirant de la fin du 19ème siècle jusqu'à aujourd'hui. On verra ainsi les artistes (s')expérimenter et (s')explorer dans bien des disciplines : tapisserie, mode, costume de scène, scénographie et décor de théâtre, sculpture, installation, cinéma d'avant-garde, danse, peinture, sculpture, photographie, dessin...

Au fait, qui sait que pour écrire son fameux Du spirituel dans l'Art et dans la peinture en particulier, quasiment l'origine de l'Art abstrait, le peintre russe Wassily Kandinsky a été influencé par la pensée d'une philosophe ? Qui sait que, contrairement à leurs "homologues" masculins qui ont tardivement entrepris de croiser les disciplines artistiques entre elles ou réfléchi longtemps à comment abolir la frontière Art/Vie, les femmes artistes ont tout naturellement et dès le début de leur pratique, associer à leurs recherches artistiques les enjeux posés par la vie quotidienne et œuvré dans différents champs artistiques en même temps, sans la moindre difficulté ?  

Enthousiaste ? Oui, absolument ! Convaincue ? Cela reste à voir. Ce qui m'a gêné, au final ? Peut-être le sentiment d'un trop grand foisonnement à défaut d'être approfondie, l'exposition semble avoir pris le parti d'être malgré tout exhaustive. Peut-être l'apparente sous-représentation des continents africains, des territoires d'Amérique centrale et du sud comme des îles. Mais n'étant pas une spécialiste de la question, je me dis qu'il doit forcément y avoir une très bonne raison...   Par exemple, l'absence de besoin chez les artistes non-occidentales d'exclure la ressemblance dans la représentation d'un objet ou l'indifférence ressentie pour la relation abstraction/ réel/ réalité ? 

Ceci étant souligné, Elles font l'abstraction a le mérite de mettre les pieds dans le plat d'une histoire de l'art volontiers patriarcale et de (re)considérer en filigrane la question du "génie". Hé, oui, je m'emballe, je papote, je conjecture. Somme toute, la meilleure (re)présentation  de l'évènement sera toujours celle que l'on se fait soi-même et par soi-même, alors foncez ! Et parmi tant d’œuvres exposées, un collage dynamique tout en couleurs de Sonia Delaunay-Terk, une double création dada de Sophie Taeuber-Arp et une œuvre tissée de Sheila Hicks.

2) Chut ! Séances diapos : analyses de l'image projetée

Ce que j'aime dans le fait de déambuler dans un musée avec un ticket qui me donne accès aux collections permanentes comme aux expositions temporaires, c'est la rencontre fortuite : entrer dans une salle parce qu'il y a de la lumière, tout simplement, et voir ce qui se montre. La surprise, en somme ! Rien ne remplace avant de décider de se déplacer, me direz-vous, l'étape de la prise d'informations en amont "la pertinente préparation de la visite". Pour ma part, j'aime savoir qu'il est toujours possible, en plus de l'exposition réservée, d'aller zieuter ce que je n'ai pas prévu d'aller voir. 

Ainsi des installations vidéos de l'artiste plasticien d'origine irlandaise James Coleman (1941-...) De vous à moi, l'Art vidéo au musée est toujours une expérience esthétique compliquée : soit il n'y a pas assez de chaises pour s'assoir devant les écrans, soit la proposition visuelle est très longue, ça rallonge le parcours de la visite de façon inopportune, soit les conditions d'audition et de réception ne sont pas optimales, soit enfin, les œuvres proposées ont l'air abscons ou semblent arriver comme un cheveu sur la soupe au cours de la visite. Bref, l'Art vidéo pourtant très présent dans les collections contemporaines souffre d'une médiation et d'un certain confort. Tout est différent qu'on est avertis-es que l'essentiel de la visite sera constituée de films, procédant de plusieurs installations de projecteurs de diapositives et de textes lus dans de vastes salles plongées dans l'obscurité. L'exposition n'offrira ici que cela. Ni l'image fixe d'un tableau ni le mouvement que sous-entend une sculpture autour de laquelle il faut tourner ne viendra concurrencer les dispositifs de narration présentés ici.  La rétrospective se compose des "tableaux vivants" majeurs de l'artiste consistant en la projection successive de diapositives synchronisées à une bande sonore.

J'ai personnellement beaucoup apprécié de ne pas vivre ce déchirement, celui de devoir choisir entre regarder une œuvre vidéo ou filmique ou regarder une suite d'œuvres en 2D. J'ai en outre beaucoup apprécié ma surprise : si les films de J. Coleman jouent sur une certaine épure héritée de l'Art conceptuel, le fond n'en demeure pas moins poétique, curieux ou séduisant, voire drôle et cocasse. Ici, on décryptera pour vous une image d'apparence banale, ordinaire : Slide Piece (1972-1973) présente implacablement un coin de rue, une station service, une suite d'immeubles, des voitures garées... Ici, on vous racontera l'histoire d'un enregistrement façon roman-photo en Technicolor et costumes de scène : Lapsus Exposure (1992-1994). Ici encore, vous suivrez l'acteur américain Harvey Keitel, seul et magistral, prononcer un monologue de Sophocle (Retake with Evidence, 2007). Ou  vous entrerez dans l'espace perturbant d'Initials, 1993-1994, procédant par succession de plans en lents fondus enchaînés. 

Ici, en définitive, s'entremêlent "plusieurs niveaux de fiction induisant eux-mêmes différentes temporalités traversant les champs de l'identité et de la subjectivité." (Cf. Commissariat d'exposition de Nicolas Liucci-Goutnikov).

3) Du brut singulier et bizarre dans la pupille

Enfin, arrive Dans les Têtes de Stéphane Blanquet, la plus terrible des expositions réservée aux yeux avertis et friands de contre-culture : l'auteur de bandes dessinées, dessinateur et artiste plasticien né en 1973 investit le musée parisien spécialisé dans l'Art brut avec ses mythologies personnelles et ses invités, artistes et artistes triés-ées sur le volet. La visite sera bizarre, un peu dérangeante, carrément insolite, protéiforme, monumentale et un brin musicale ou cacophonique, c'est selon la sensibilité. L'artiste touche-à-tout nous ouvre au rez-de chaussée de la Halle son univers plastique peuplé de monstres, de créatures hybrides inquiétantes, d'autoportraits, de fragments de corps, d'objets rares. Les œuvres sont ici dessinées à l'encre, peintes, tricotées, fondues, moulées, mystérieusement assemblées puis mises en mouvement, cousues,  suspendues ; c'est  de mon point de vue un monde foisonnant, monochrome et multicolore à la fois, qui évoque  tour à tour la douleur du corps malade, les mondes imaginaires, les fantasmes, les obsessions, le désir et le délire des sens. 


Au premier étage, les invités-ées de S. Blanquet, composent, quant à eux, une cosmogonie singulière défendue par l'artiste dans le cadre de son manifeste artistique Tranche de racine. Autant de créateurs français et étrangers, une cinquantaine, autant d’œuvres ouvrant sur des univers ou des discours personnels dont certaines sont d'une très grande puissance d'évocation, le tout proposé dans un vaste work in progress car l'accrochage varie et évolue sans cesse tout au long de ce que l'on pourrait appeler une carte blanche offerte à l'artiste. Par exemple, l'installation Erenhini de Pablo Querea qui propose une rencontre avec 500 portraits de petit format et griffés à l'encre, un terrible et monumental face-à-face avec une humanité grimaçante et silencieuse.

Deux petits bémols, cependant, à cette exposition remarquable : au rez-de chaussée, bien que la scénographie soit formidable tant de choses à voir donne le vertige, un vrai cabinet de curiosités ! , on se perd parfois dans la signalétique et finalement, on en apprendra peu voire rien sur les techniques utilisées ou le sens que l'artiste donne à ses gestes artistiques, dessins, installations, objets cousus, séries, vidéos, tapisseries... À défaut de comprendre, faudra-t-il plutôt ressentir. À l'étage, on regrette des cartels un peu brefs qui mentionnent trop succinctement les artistes, leurs démarches et les techniques utilisées, encore une fois, là où certains-nes exposent leur travail pour la première fois, c'est dommage, on reste sur sa faim. Alors à chacun-e, visiteur, visiteuse, d'aller chercher les informations nécessaires ailleurs sur celles et ceux qui auront retenu son attention. 

Note : Un mot apparaît en rouge ? Je signale que l’œuvre en question peut heurter la sensibilité. Mais la proposition de S. Blanquet tout en présentant un grand attrait par la diversité de ses formes s'adresse plutôt à un public adulte.

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Petit rappel :

Elles font l'abstraction, Centre Pompidou, jusqu'au 23 août 2021

Dans les tête de Stéphane Blanquet et Tranche de racine, La Halle Saint-Pierre, jusqu'au 2 janvier 2022

James Coleman, Centre Pompidou, jusqu'au 22 août 2021

Bonne visite et bonnes découvertes !

©ema dée

mercredi 4 novembre 2020

Après l'expérience filmique "Lux Aeterna" de Gaspar, Béatrice, Charlotte et cie...

Ma découverte de Lux Aeterna, dernière création filmique de Gaspar Noé, réalisateur, producteur et scénariste argentin d'origine, m'a donné envie d'écrire à son propos, d'évoquer à ma manière ce que j'y ai vu, comment je l'ai ressentie, l'ai reçue et crois l'avoir comprise. 
 
Mais, ce que je viens de voir n'est pas exactement une œuvre cinématographique, au sens où l'on l'entend le plus couramment, c'est-à-dire une fiction qui (nous) raconte une histoire, faite d'une suite d'actions, de rebondissements, de rencontres autour d'un noeud puis, enfin, une résolution (heureuse ou malheureuse), selon un enchaînement défini, linéaire ou non. Les effets spéciaux, le montage, la musique, le jeu des acteurs, la photographie... soutenant le propos, comme une grammaire particulière, définissant à la fois le genre et un style de réalisateur comme le genre et le style d'un film.

Lux Aeterna ©gaspar noé
 
Mise en bouche un peu bizarre, j'en conviens. Je cherche ici, rapidement, à montrer une forme d'incompréhension qui demeure en moi, plusieurs jours après avoir vu Lux Aeterna. Bien plus, une sorte d'incapacité prolongée de ma faculté de jugement face à un objet étrange et étranger.

"Quand je vais au cinéma, explique quelqu'une, c'est pour être divertie, transportée, apprendre quelque chose, je veux que le réalisateur m'amène dans un quelque part qui me dépasse. Résultat, je me retrouve face à un quelque chose que je ne comprends plus, qui ne s'adresse plus à mon intellect ; c'est ça qui m'intéresse". 

Moi, je suis de cet autre genre de spectatrices qui aiment faire des comparaisons. Entre les films d'un même réalisateur/ trice ou d'un/e acteur/ trice (quand je m'en souviens clairement, s'entend). Il m'arrive de faire des comparaisons aussi avec d'autres arts parce qu'ils abordent le même thème ou parce qu'ils ont recours à des "artifices" de narration, de création d'ambiances ou de sensations... voisins. Cela autorise une sorte de regard croisé.

Avec Gaspar, je suis comme bien empêchée. Car je ne connais pas sa filmographie ; j'ai bien vu passer sur le Net des images du singulier Climax ou de  l'hypnotique Unter the Void, j'ai bien entendu parler du très dérangeant Irréversible... C'est insuffisant pour se rendre vraiment compte. Après avoir vu Lux Aeterna, je crois pouvoir dire sans sourciller, qu'il faut assister au Film de G. Noé, dans une salle prévue pour, il faut pouvoir entrer dedans et accepter de se laisser submerger en retour. Fondant cette observation à postériori, je peux dire néanmoins avec certitude que quelques images, des extraits à la volée de Lux Aeterna, regardées du bout des yeux sur son écran d'ordinateur, me semblent être du coup passablement insuffisantes, en effet.

 
Lux Aeterna ©gaspar noé

Je ne crois avoir vu un "film"; ça a à voir davantage avec la participation, oui, j'ai plutôt participé à une expérience d'Arts visuels, qui soudain sans alerte devient immersive. Un objet plastique, éminemment sonore, qui tripatouille le concept de mise en abyme, s'est déroulé devant mes yeux durant 50 minutes environ. La mise en abyme du cinéma par le cinéma lui-même, on connait ; on en reconnaît les signes, les formes et l'intention. Et pourtant dans ce cas-ci, face et dans Lux Aeterna...

Quels sont les faits ? Gaspar Noé filme l'actrice Béatrice Dalle filmant l'actrice (et chanteuse) Charlotte Gainsbourg. Dans une ambiance feutrée propice à la confidence qui évolue (dégénère) en un chaos lumineux saturé de voix, la lux aeterna. 

Dans le détail. Après une scène d'aimable conversation posée sur canapé (plutôt un monologue un tantinet barré, une logorrhée de Béatrice face aux contradictions de Béatrice, une sorte de narration... autofictionnelle), qui, parce qu'elle est comme une introduction, une préface qui donne des clés précieuses pour la suite, me rappelle les plans bavards des films de Quentin Tarantino. (Ici, certes, je prends des raccourcis, je schématise.) Après cela donc, une mise en mouvement : Béatrice se lève enfin, Charlotte à sa suite, elles changent de pièce, quittent le douillet canapé, quittent l'espace filmique dans lequel Gaspar les a confinées toutes les deux, le tournage doit commencer, l'action s'accélère,  Béatrice attend, on attend avec Béatrice, on ne comprend rien, pas plus que Béatrice, puis, ça tourne, oui, mais quoi ? Qu'est-ce qui se tourne ? On ne sait pas vraiment ; est-ce un plan d'essai ou est-ce la vraie scène qui prend corps sur la scène ? Et, dans une sorte de chaos de voix hors champ et diégétique, et qui va crescendo, à l'appui, une multiplication des points de vue, l'espace uniforme du tournage éclatant en multiples espaces d'expériences/ visions individuelles, Béatrice perd contenance, dans la lumière, Béatrice pète un plomb, dans la lumière, l'image nous explose dans la rétine et dans la lumière, le film fige toute ma capacité de réflexion. 

Je ne suis plus qu'un œil dans un champ de lumières. Médusée. Non, piégée. Non, englobée, mieux... aspirée !

Lux aeterna ©gaspar noé 
 
Curieuse expérience que celle de la lecture de mes dix-neuf dernières lignes de texte, n'est-il pas?

Lux Aeterna ©gaspar noé
 
Flashback : à un moment, je souris. C'est quand Charlotte demande à Béatrice : "Quand cela va-t-il commencer ?" C'est un fait : un film a déjà commencé. Mais pas son film à elle, celui dans lequel Charlotte va jouer un rôle central. Un délicieux décalage qui autorise un parler et des attitudes décontractées. On n'est pas vraiment dans Le film, on est dans les coulisses et dans les coulisses d'un film, on se lâche. On est "nature". Démonstration : le langage châtié, l'allure désinvolte, le ton brusque de Béatrice face à la retenue pleine d'une grâce pensive, voire distante, peut-être un peu amusée, de Charlotte... les entrées et les sorties d'autres personnages dans le champ qui (nous) donnent le tournis telle une valse de mots de gestes de regards... manifestent cet avant-tournage. 

Le film de Gaspar a bien commencé, mais celui de Béatrice est en chantier. Il s'agit finalement de tourner une seule scène. La scène. Comme les seconds rôles féminins, on ne saura rien de ce qui doit se raconter, de comment cela va être raconté, si ça vaut le coup de rester à se demander quoi qu'est-ce. Il faut être là tout simplement, et assister pour savoir ce qui va être filmé. On ne saura rien à l'avance. Le spectateur est là, dans son siège/ piège de cinéma, pour témoigner que le film a commencé, mais le vrai propos arrive plus tard, le climax où le réalisateur filme Béatrice lâchant prise, Charlotte quasiment possédée, la lumière envahissant l'écran...

 
Lux Aeterna ©gaspar noé

En amuse-rétine, juste avant la conversation tranquille devant la cheminée, une entrée en matière pédagogique, en noir et blanc et pour le moins curieuse : une scène de bûcher précédée d'une présentation très documentée d'instruments de tortures utilisés au Moyen-Age pour révéler les sorcières. 

Et Béatrice s'intéresse particulièrement au bûcher.

n.b. : je m'autorise à fournir ici une définition de ce que j'appelle un "chaos de voix hors champ et diégétique". Il y a autant de lignes narratives qu'il y a de personnages dans le film, chacun semble poursuivre ses propres motivations jusqu'au climax. Ce qui tient tous ces éléments disparates qui, comme des ions chargés positivement et négativement, s'affrontent dans un espace (scénique) trop petit ?  Ils ont rendez-vous avec une scène à tourner. Chose particulière, c'est une scène qui est soutenue par trois points de vue différents qui convergent pour ...

Fin de l'expérience de critique, car mes mots se suivent s'enchaînent s'enfilent autour du fil de l'écriture cherchant à (s')expliquer, alors que sur le sujet, finalement, il vaut mieux se faire son idée à soi.

©ema dée

dimanche 26 avril 2020

Confinement # 8 : J'avais envie de voyages et de dépaysement... et vous ?

C'était mon anniversaire ! Pour l'occasion, j'avais balayé mon salon, ajusté mon canapé, fermé les stores, chaussé mes pantoufles, installé de quoi grignoter et commandé des films pour partir en voyage une deux trois fois... à la rencontre d'autres cultures, d'autres paysages, d'autres histoires humaines, plus grandes que moi... J'ai été entendue :
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Cliquez sur l'image pour découvrir la sélection.

Aujourd'hui, c'était la première édition du CinEma FILM FESTIVAL qui avait pour thème "L'invitation au voyage".  Au programme , il y eut, pour mon plus grand plaisir, un court métrage d'ouverture (surprise) + 4 films/ 4 séances + un court métrage de fermeture (surprise). J'ai pensé : "Youpi !". J'ai dit : "En avant. J'embarque !"

Les visuels et la sélection du festival ©thomas cloué

vendredi 3 janvier 2020

Mes années 2010 en revue : l'art de l'affiche, défi graphique Improzine et cinéma indépendant...

Le 3 décembre 2019, nouveau rendez-vous créatif, cinquième rendez-vous créatif et dernier rendez-vous créatif de la décennie 2010 pour Improzine (groupe de créatifs enthousiastes et avertis) à l'occasion de la Journée internationale du Cinéma indépendant.

1 - J'ouvre une première parenthèse sur cette journée particulière.

Le cinéma indépendant peut être défini comme un ensemble de productions artistiques "non-mercantiles favorisant la diversité culturelle et la personnalité des auteurs et créateurs."  (cf. La FASciné ou Fédération des Spectateurs de cinéma)

Fixé le 3 décembre par la fédération, cet événement a pour objectif premier le soutien aux salles d'Art et d'Essai et aux équipements de proximité face à l'accroissement du nombre des salles multiplexes en France. Expansion qui n'est pas sans conséquence sur l'offre filmique, sa diversité et sa durée. La fermeture d'une salle d'Art et d'Essai fait le lit malheureusement et inévitablement à un rétrécissement progressif de l'offre et du champ culturels ainsi que de la création cinématographique "alternative". Une situation dommageable alors même que le public continue de s'intéresser au cinéma, d'aller au cinéma et d'aimer le cinéma qu'il soit indépendant ou plus mainstream... Des pistes ? L'extension des partenariats salle indé - cinéma multiplexe ?... La floraison de festivals de films d'Art et d'Essai pour les jeunes publics (et les autres), la multiplication et la promotion de prix et de récompenses (cf. notamment les actions de l'Association Française des Cinémas d'Art et d'Essai) ?...

Après ces quelques mots, je reviens à présent sur l'engagement artistique des improzineurs en cette belle journée de célébration.

Les artistes dessinateurs et illustrateurs d'Improzine se lancent un défi graphique, rituellement, chaque fin d'année, consistant en la production d'une affiche originale (c'est-à-dire à la fois impactante et inédite dans sa propre production). Un synopsis du film indépendant inventé à partir de l'incitation l'accompagne. L'incitation peut faire référence à un genre cinématographique et/ ou littéraire, par exemple, la Dystopie, le Conte... ou être lié à un thème tel que la Volupté, sujet de réflexion et de création de cette année 2019. 

Voici les quatre affiches produites :
 © n'Karna © thomas cloué  © thomas cloué © ema dée 

2 - J'ouvre une seconde parenthèse qui me permet de revenir sur ma création d'affiches.

Chaque année, j'en conviens, il me faut me creuser la tête pour produire une affiche digne de cette célébration... Faire beau, faire juste, faire clair : c'est un véritable pari graphique pour moi qui apprécie, non qui suis fan, de manière générale de toutes les affiches de cinéma (et de théâtre... et publicitaires !*) plutôt "old school", c'est-à-dire peintes, gravées, sérigraphiées... qui misent sur une composition complexe, sophistiquée ou radicalement épurée, farfelue, signifiante, symbolique, drôle... pour lesquelles leurs créateurs imaginent, déploient et imposent une esthétique à chaque fois singulière et reconnaissable, proche chez certains de la photographie d'art, de la bande dessinée, du dessin animé... et, selon les affichistes, clins d’œil distants ou véritables hommages à l'art pictural, en particulier aux avant-gardes artistiques (Art nouveau, Futurisme, Surréalisme, Expressionnisme, Constructivisme), à l'Art naïf, aux Nabis, à la Sécession viennoise... 

*Par exemple : Charles Loupot (1892-1962), Roger Soubie (1898-1984), ou Bernard Vuillemot (1911-1989). 

Rivaliser avec ces grands créateurs d'affiches qui ont eux aussi écrit l'Histoire du Cinéma tels que Saul Bass (1920-1996), Michel Bouvet (1955-...), Paul Colin (1892-1985), Philippe Druillet (1944-...), Albert Dubout (1905-1976), Léo Kouper (1926-...), Steinlen (1859-1923)... et tant d'autres ?... Pas question ! Ma ligne de conduite ? Faire en sorte que chaque création me pose ses propres questions, défis et solutions esthétiques, avec le message et les moyens qui sont les miens. Feutre fin, crayon de couleur, encre aquarelle, feutre pinceau, couleur numérique, typo manuelle ou mécanique, chacun(e) cherchant à trouver une voie d'expression graphique (et plastique) différente sur le papier ou le carton. Que ces défis successifs soient relevés brillamment ou pas, au bout du compte cela importe peu, seules comptent l'ivresse de la nouveauté et la libre créativité !

Petit voyage dans mes créations sur les thèmes suivants : l'Autofiction (2015), le Polar (2016), le Conte (2017), la Dystopie (2018) et la Volupté (2019) :

© ema dée

Pour (re)découvrir toutes les belles productions (images et textes) concoctées par les improzineurs en l'honneur du Cinéma indépendant, précipitez-vous sans sourciller (ni réfléchir) sur la page Improzine consacrée au FESTIVAL IMPRO DES CINÉS. 

Remarque : sur l'art de l'affiche de cinéma (à la française), on lira utilement l'article sur Jean-Louis Capitaine, collectionneur d'affiches, sur le site de la Cinémathèque française ; si on s'y intéresse sans limite géographique, on consultera avec engouement les pages que consacrent le Musée des Arts décoratifs à cette passionnante question ; enfin, on n'hésitera pas  une minute à visiter la Galerie des affichistes qui elle aussi œuvre pour la promotion des créateurs et de leurs créations.

3 - J'ouvre une troisième parenthèse, cette fois-ci, pour dresser un bilan cinéma à ma façon.

L'année 2019 est achevée et les années 2010 viennent de tirer leur révérence ; je veux ici et maintenant, comme d'autres avant moi et d'autres après moi, célébrer la vitalité de la production cinématographique de ces dix dernières années... à travers une sélection personnelle de 51 films (appartenant soit au circuit cinématographique indépendant soit aux productions à budget plus conséquent) plutôt pour des yeux matures (je le réalise après coup) :


Ainsi, dans le désordre (exactement à la manière dont ces longs métrages me sont revenus en mémoire) : Une belle fin (2013), Tournée (2010), The neon demon (2016), The square (2017), Les 8 salopards (2015), Le daim (2019), The art of self-defense (2019), Chronicle (2012), Joker (2019), Stoker (2013), Rebelles (2019), Parasite (2019), Once upon a time in Hollywood (2019), Lion (2016), Le Royaume de Ga'hoole (2010), Le Roi Arthur : la légende d'Excalibur (2017),  Le monde est à toi (2018), La forme de l'eau (2018), La favorite (2018), Les figures de l'ombre (2017), L'île aux chiens (2018), Killer Joe (2012), Mad Max Fury Road (2015), Drive (2011), Du vent dans mes mollets (2012), Bienvenue à Marwen (2018), Carnage (2011), Douleur et gloire (2019), Bande de filles (2014), Balada Triste (2011), J'ai rencontré le diable (2011), Headhunters (2012), Insidious (2011), Le nom des gens (2010), Le Sens de la fête (2017), Lunchbox (2013), Le territoire des loups (2012), Guy (2018), Paterson (2016), Déesses indiennes en colère (2015), The voices (2014), Premier contact (2016), Take shelter (2012), Dope (2016), Ma vie de Courgette (2015), Mother (2010), Les frères Sisters (2018), Joy (2015), La mise à mort du cerf sacré (2017), Loving (2016) et Lulu femme nue (2013) !

Et c'est ici que se referment mes parenthèses 1, 2 et 3.

p.s. : les jours passent et la liste de mes films s'allonge, sournoisement, car dans l'intervalle, le souvenir d'autres films me revient. Ah, capricieuse mémoire ! Je me surprends à vouloir rajouter d'autres titres, à regretter de n'avoir pas pensé à ce film-ci ou à ce film-là, à me morigéner toute seule : comment ai-je pu oublier Inception, Green book, Bohemian Rhapsody, Le grand Bain ou Little Joe... ! Une sélection personnelle est une sélection malgré tout ; elle doit s'arrêter à un moment donné, je dois m'arrêter à un moment donné. Tant pis... Et tant mieux ! Place au cinéma des années 2020.

Cinématographiquement vôtre !

© ema dée

jeudi 15 novembre 2018

Créations humaines & trésors de la nature à la galerie Matières d'Art

La galerie d'Art et Décoration Matières d'Art, sise au 2 de la très tranquille rue de Franche-Comté dans le 3ème arrondissement à Paris, se découvre comme toutes les choses rares et précieuses, par un heureux concours de circonstances. Ou il faut connaître le lieu, être, en quelque sorte, averti-e de l'imminence d'un te-à-tête avec le merveilleux.

Déjà, s'arrêter devant ses deux grandes vitrines où des bien jolies choses comme des figurants aux faciès, corps et matières variés s'exposent, c'est partir en voyage. Et pousser la porte d'entrée – avancer puis fermer derrière soi – c'est se dépouiller de sa précipitation rituelle quotidienne et plonger, sans annonce, dans une atmosphère enveloppante, douillette, cosy. Ici, chacun-e progresse sur un sol pavé de couleurs, accueilli-e dans des murs apaisés tirant sur le jaune safran.

Parmi les matières brutes, "blocs" de roches de la taille de deux mains matures réunies ou minéraux d'une fragile délicatesse car presque aussi petits qu'une tête d'épingle – produits de la nature aux couleurs "irréelles" –, il y a d'autres matières, celles-là sont ouvragées, polies, sculptées, vernies, cuites, peintes, incrustées, des matières d'arts – fer, grès, argile, acrylique, bronze, verre, papier, bois – travaillées.


Ici, le visiteur, la visiteuse, se retrouve cerné-e par la beauté qui émane de la rencontre entre les objets issus du labeur artistique de joailliers, de sculpteurs, de dessinateurs, de peintres... et ceux issus de la nature, de ses plateaux désertiques, de ses sols volcaniques, de ses fonds marins, de ses flans de montagnes. Ici, la visiteuse, le visiteur, fait l'expérience de l'évidente présence d'un rapport esthétique particulier à la matière naturelle, vierge de tout contact qui aurait pu la souiller. En de nombreuses pierres, toutes singulières, elle se dévoile rugueuse, puis grumeleuse, puis lisse, striée, anguleuse, puis arrondie. 

Pièces fabriquées ou collectées – observées, choisies et apportées des quatre coins du monde par des globe-trotters et des passionnées-és –, tout est à portée du regard, sagement entreposé. Comme dans un cabinet de curiosités, chaque œuvre est ici soigneusement étiquetée et montrée de la manière la plus appropriée, sur son socle, sa vitrine, son étagère. Dans cet ensemble hétéroclite savant, le regard fait de multiples petits bonds, passant d'une pièce à l'autre, conservée et révélée – chaque fois –  dans son écrin de verre, de tissu ou de bois, seule ou accompagnée. Et ainsi, l’œil détaille, avec ravissement et curiosité, les camaïeux improbables de blancs laiteux, opalescents, translucides ou irisés, les déclinaisons insolentes de bleus, de rouges, de verts, de bruns , de jaunes – de l'ocre au soufre.

À chacun, chacune, bercé-e par la mélodie aqueuse d'une fontaine intérieure, de trouver en ce lieu, maintenant ou plus tard – mais sûrement –, le trésor de la terre, la pièce d'art, avec laquelle dialoguer, entrer en relation de fascination amoureuse. Pour ne pas se laisser submerger par l'étrange langueur de la suspension du temps, il convient d'arpenter naturellement la galerie, ou, tout au contraire, d'une manière hiératique ou quasi enfantine, en butinant des yeux les pistils étincelants des gemmes et des objets de création


La galeriste qui favorise passionnément le dialogue entre l'art de la Nature et la création humaine, peut être tout à la fois guide, collectionneuse, marchande et conteuse d'histoires où le Zircon courtise l'Howlite, où la Labrodorite surprend l'Ammonite brute opalisée en compagnie de la Zoisite rubis et où la Sodalite s'ennuie de l'Aventurine rose. Par exemple... C'est un voyage dans la nature généreuse duquel il est possible de rapporter avec soi un souvenir unique.

Pour ma part, je rapporte de ma première échappée belle en ce domaine, lovés dans ma mémoire rétinienne  :
- la masse impressionnante d'une paire d'ailes noires ;
- des éclats rocheux gris argent, brillants traversés d'or ;
- la rondeur expressive à l'air bonhomme d'une poterie en argile ;
- un peu de la transparence miroitante du verre raffiné ;
- et des graphismes circulaires ou alvéolaires, volontiers répétitifs  – hypnotisants.

Matières d'Art me semble être tout cela... et bien plus.

© ema dée

mercredi 28 septembre 2016

Au pays des merveilles électromécanomaniaques de Gilbert Peyre

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À peine quelques jours après son ouverture, je visite l'exposition de Gilbert Peyre l'électromécanomaniaque.

Installé à la Halle Saint-Pierre, son Oeuvre s’expose, varié, surprenant, magique, devant les yeux de visiteurs conquis, amusés, intrigués, séduits ou sur la réserve, mais en tous cas, assurément interpellés par ce théâtre d'une féérie un peu déglinguée, ce cabinet de curiosités parlantes.

Amateurs, curieux et connaisseurs de tous âges peuvent choisir d'être guidés, d'entendre quelques secrets de fabrication, ou de se laisser aller à des interprétations personnelles et à une visite nonchalante. Chaque pièce aura, c’est certain, son petit moment de gloire, pourra se donner en spectacle et chuchoter son message singulier, durant quelques minutes, sous le regard complice et vigilant d'un guide transformé, pour l'occasion, en maître de cérémonie.

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C’est toujours inattendu, poétique ou drôle.  Certains oseront parler d’un brin de « cynisme » : ici, un vélo d’enfant sans conducteur pleure, là, une femme sans tête se déhanche langoureusement, dévoilant un érotisme à fleur de peau, à côté, une jeune fille danse avec élégance dans son corps de lampe de chevet, plus haut, un déshabillé rose pâle coquin séduit un pantalon un peu strict, et plus au fond, une armoire bien agitée claque ses portes… de joie, de terreur, de colère ou... d’extase ? 

... Un bras seul se tord d’amour. Reptilien. Une dispute conjugale a lieu. Soudain...

L’exposition présentera donc différentes pièces produites par l'artiste autodidacte : de ses toutes premières petites sculptures charmantes et étranges à ses réalisations récentes dites « électropneumatiques », en passant par ses objets animés, ses pièces mécaniques et ses œuvres électromécaniques.

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Pour celle, celui, ceux qui auront le temps, il y a aussi à voir une vidéo reprenant le parcours de l'inventeur, à travers ses créations initiales d’abord, c’est-à-dire ses objets animés, marionnettes traversées de vide, héros et héroïnes de récits sans paroles ou presque : chacun et chacune vaquent à ses petites affaires répétitives, entêtées, mouvementées. Ensuite, il y a la présentation de sa première sculpturOpéra, intitulée Le piano, une création de grande envergure qui contient des œuvres qu'il sera possible de voir ailleurs, plus tard, séparément : Le Coq, deux verres amoureux qui trinquent ou La Ménine, par exemple. Cette pièce ambitieuse semble synthétiser à postériori toute l’esthétique de Gilbert Peyre : le mouvement et le temps, la rencontre et l'assemblage, l’amour, la métonymie et la citation, des sentiments tels que la colère, la surprise ou la joie, l’humour et la poésie bien sûr, mais surtout, l’utilisation de pièces de collection chargées de souvenirs et de matériaux dérisoires (rebut, élément brut, objet récupéré) de plus ou moins grande taille qui seront ensuite assemblés pour prendre place dans une histoire particulière qui leur donnera une nouvelle valeur, une présence différente, une place de choix : poupée, peluche, œil, pantalon, chaussure, masque, vaisselle, armoire, squelette, carte à jouer, tête d’animaux, éléments végétaux, boîte de conserve, bouteille…

... La grivoiserie se dispute peut-être au drame et à l'ironie ?...

Je découvre ainsi des pièces qui m’enchantent telles que l’incroyable haltérophile, la très séduisante femme sans tête, la gracieuse Ménine ou l’hypnotique danseuse du ventre. Cette exposition est aussi l’occasion pour moi de revoir des pièces fortes présentées dans une mise en scène inédite : J’ai froid, Le Coq, La petite fille et Cupidon. Comme la première fois, je reçois un coup au cœur devant le charme bizarre de l'intimidante installation J'ai froid... J'éclate d'un rire excité et ravi devant l'hystérie collective - orgasmique ? - qui agite tous les acteurs de la sculpturOpéra Cupidon...

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Je goûte la joie des visiteurs, leur surprise, leur ébahissement, leur fascination pour l'univers à la fois fantastique, décalé et poétique de Gilbert Peyre. Je partage également leur curiosité et leur perplexité enfantines devant certaines œuvres : "que va-t-il se passer là, et après, et ensuite ? Ah, c’est déjà fini ?! On peut en voir encore, non ! Ah, pas tout de suite ! Bon... Et ça, comment ça tient ? Et, qu’est-ce que ça dit ?...  Ça a parlé, hi, hi, t’as entendu ?!... "

... Pas à pas, de l'émerveillement collectif au plaisir individuel en secret...

Tel un marionnettiste, il donne vie à des personnages humains ou animaliers familiers, danseuse, équilibriste, conducteur de train, coq, singe quêteur, ourson en peluche… Une vie d'automates bien singulière qui montre toutes ses ficelles et câbles électriques. Cela n'est pas dit, mais face à leur complexité et leur précision savantes, on devine l'artiste penché avec tendresse et méticulosité sur ces pièces qui révèlent une véritable maîtrise en ingénierie électrique. Avec le doigté d’un chef d'orchestre, d’un metteur en mouvement, d’un grand assembleur de matériaux, pièces, fragments dérisoires ou mémoriels avec du vide, Gilbert Peyre fabrique de troublants poèmes visuels.



Pour vivre sa propre expérience de l'événement :
Exposition Gilbert Peyre l'électromécanomaniaque
Halle Saint-Pierre 
2, rue Ronsart, Paris 18ème
Du 16 septembre 2016 au 26 février 2017

© ema dée