Depuis le mois de septembre 2021, je participe à un atelier de pratique plastique.
Ceci dans le but avoué d'envisager à nouveau la peinture et le grand
format comme un médium et un support d'expressions artistiques.
Parmi
les demandes et les recommandations de l'atelier, celle de prendre en
compte des documents iconographiques et/ou une consigne comme point(s) de
départ à l'invention et la recherche, celle d'être en mesure d'investir un support
mesurant 75 x 106 cm (du carton gris ou une feuille de papier aquarelle
Montval, par exemple), celle d'utiliser des outils graphiques et/ ou
plastiques, enfin, celle de recourir à tous les procédés ou techniques à
condition que leur usage procède d'une réflexion sur sa propre pratique
et sur ses envies de déploiement à venir.
Pour mettre en perspective ce travail, sorte de voyage introspectif à la faveur notamment de la matière picturale et du geste graphique, je décide de publier ici les résultats variés de mes explorations. Ainsi,
me suis-je donné comme premier travail pour l'année 2022, celui de
préciser mes attentes et le parti-pris que j'ai choisi de défendre dans
chacune de ces œuvres personnelles. Le sujet est imposé la plupart du temps. Ces publications successives (recherches, esquisses, productions réussies ou manquées) seront accompagnées d'une note d'intention.
C'est là le véritable objectif de mes prochains articles : être en
mesure de "justifier mes choix, les modalités et références mises en
œuvre dans mes réalisations". Il s'agit, en une trentaine de lignes
environ, de faciliter l'explicitation de ma démarche pour une
lectrice-spectatrice ou un regardeur. Attentive à la forme comme au fond, j'envisagerai la note comme un exercice d'écriture créative.
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Situation 1 : Un paysage imaginaire - Interroger les composantes de sa pratique
Pour
que se constitue un seul paysage planté d'arbres dans lequel le
souvenir d'un marcheur solitaire peut se perdre en le parcourant, se
munir d'un médium sombre mais non mate, des outils à poils secs mais non
durs et d'un support couleur crème et de format carré. Se munir
également de diverses chutes de papier dans l'hypothèse de procéder à
quelques collages.
Ma question de départ a été : Comment tirer parti d'une première production qui ré-exploite certaines de ses caractéristiques ? Produit avec du papier carbone et imaginé sur des feuilles de papier de format carré et de couleur crème,
le travail originel représentait une série de paysages arboricoles sans
profondeur marquée et tout en nuances de gris. Il exploitait sans
hiérarchie la gestualité, la matière de l'outil, la texture du trait, la
répétition et la variation. Le second travail se concentre pour sa part
sur la matière et la planéité, principalement.
Souvenirs de la traversée d'un paysage, peinture acrylique et collages, 1, 20, x 1, 20 m, 2021 (détail)
Pour
ce faire, tremper au préalable sa brosse plate dans de la peinture
acrylique non diluée. Poser l'outil contre le support, frotter le
support avec l 'outil : progresser dans la hauteur du support avec un
geste mécanique. Il faut entendre ici, un mouvement de la main et du
poignet quasi identiques. Re-couvrir le support s'apparente alors à une
épreuve physique, car le geste est répété sur toute la surface et le
geste est répété successivement sur neuf supports distincts. Non dilué
le medium s'applique en couches épaisses, qui en séchant, forme une
sorte de peau, dont les aspérités irrégulières malgré le geste mécanique
répété le plus uniformément n'échappent pas à un toucher sensible du
doigt... Non diluée la quantité de médium vient à manquer, non mouillé
l'outil peine – à dessein – à se décharger de la matière picturale. C'est
qu'il s'agit oui de peindre, mais aussi de marquer, de laisser des
traces, d'indiquer un mouvement volontaire dont émergeront des mouvement
involontaires, des marques noires irrégulières, comme un chemin dessiné
par les poils d'un même pinceau : le parcours du geste.
Puis
les neuf supports seront assemblés. Alors que la peinture sèche, sur
des chutes de papier, chercher à produire des effets de matières
différents des premiers, l'acrylique sera enrichie d'un peu de colle
vinylique, ce qui rend le médium plus "visqueux" et propice à la
formation d'empattements. La matière sera aussi obtenue en recourant à
un procédé déjà expérimenté, le monotype, ou fait de presser contre un
support recouvert d'une peinture un peu grasse, une feuille de papier et
de laisser faire le hasard de la rencontre entre les deux.
Dans
l'informe, un sol herbeux. Depuis la superposition de couches peintes,
des formes arboricoles découpées aux ciseaux. Et près d'un arbre, une
figure.
Une référence artistique se présente à-postériori : les Paysages mentaux ou les Matériologies de l'artiste plasticien, peintre, dessinateur et sculpteur français, Jean Dubuffet (1901-1985). Je dis à-postériori
car lorsque je produis l'oeuvre, c'est rarement en pensant à un-e
artiste en particulier ; c'est dans la recherche ou à sa toute fin que
des analogies se font jour. Une analogie significative : je m'intéresse
en effet, à ma façon, à la production spontanée, à une certaine enfance
de l'art, enfin, à une création qui donnerait forme sans censure à une
intériorité brute – et peut-être brutale – à travers la mise en dialogue des
matières entre elles.
©ema dée