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samedi 28 janvier 2023

Le retour du dessin sur papier, enfin !, avec "Mes Voeux" pour l'année 2023

Ma vie H24

Le quotidien dédoublé

La plupart du temps, enseignante en arts plastiques

Pas suffisamment longtemps ni amplement, artiste plasticienne, illustratrice, autrice

Les textes d'épuisement forcément 

Fragmentaires

Tels une architecture de sable

Les images —  griffonnages d'une pensée

Jamais au repos 

Agitée de rebonds 

Amas d'idées informes 

Rétives à  la formulation

Dans le maelstrom  —  une bouée !

L'instant anniversaire — tentative d'ancrages

À toutes et tous, chers souhaits — vos désirs accomplis

L'année juste éclose s'effeuille à hautes

doses

À toutes et tous, mes Voeux en pleine pupille

Composés à l'arrache 

Les pensées profondes viendront d'ailleurs

En attendant mieux —  il faut qu'il vienne, il viendra

La couleur et la rondeur  de 23 drôlesses !

©ema dée

mercredi 23 novembre 2022

Des animaux fantaisistes aux figures au noir de ma Pop culture : reprise et achèvement en 2022 de deux nouveaux titres

Des animaux fantaisistes aux figures au noir de ma Culture Pop, l'année 2022 m'aura inspiré la reprise.  

Reprise de deux projets commencés deux années auparavant, que j'ai heureusement terminés dans la perspective de SoBD 2022. Reprise de mes collections avec cependant l'envie d'aller plus loin en termes d'images illustratives et de maquettes finales : en effet, pour l'un des de mes deux récents projets est conservée l'idée initiale, le principe sur lequel repose le jeu entre les images et les textes, complémentarité, opposition ou décalage. Mais j'intensifie celle de fabriquer des images à partir d'un corpus préexistant, Le horlart 1,99.  Et de produire de petits ouvrages intermédiaires — inclassables ? pourquoi pas, plutôt, le cul entre deux chaises, comme je les aime.

Avec Un bestiaire sage, je fais un double clin d’œil, d'abord aux livres pour enfants, ensuite aux bréviaires de sagesse populaire. Ainsi le trait qui dessine, tout en rondeur et en simplicité, le contour des animaux. À cela s'ajoute un choix de couleurs volontiers fantaisistes, appliquées à la manière d'un coloriage — à plat.

Un remplissage de formes fermées par un trait au feutre noir épais, répondant cependant à la contrainte de créer des images vivantes et gaies avec une palette de couleurs réduite. Les textes dont la brièveté et le ton, décalé, humoristique, rappellent deux autres albums autoédités dans la même collection en 2020, Vert de Rouge et Du couple moderne, sont écrits comme on façonnerait des idiotismes, des expressions imagées pour réfléchir à la vie ici-bas et infléchir l'existence. En lire un peu plus sur ce projet-là, c'est ici.

*

Avec Médaillons Pop, j'innove. De la maquette initiale, bien transformée, il restera néanmoins la présentation des portraits de stars dessinés au feutre pinceau dans des cercles — mes médaillons — ainsi que les textes poétiques, chantants, et parfois surréalistes. Tout comme sera conservée la forme irréductible de ce projet un peu particulier, car c'est une suite d'hommages. Oserais-je parler ici d'une sorte de panthéon singulier et personnel ? Au fil de mes expérimentations de mises en page, la couleur choisie au départ laissera peu à peu sa place aux contrastes de noir et de blanc, à la matière "noire".

C'est que je me suis permise ici de me livrer à des sortes de cadavres exquis au moment de l'écriture ainsi que dans le dessin d'illustration : puisant dans ma mémoire, soutenue par quelques recherches documentaires effectuées sur Internet, les portraits littéraires brefs mettent bout-à-bout titres d’œuvres, détails "intimes" et impressions personnelles que me laissent les multiples rencontres avec les stars et leur héritage artistique et culturel. Les dessins au feutre — fin, cette fois-ci — et au crayon Mars Lumograph Black une technique graphique tout juste découverte procède de la même "logique". En lire un peu plus sur ce projet-ci, c'est

© ema dée

lundi 10 octobre 2022

Une septième autoédition en cours : la collection "Horlart" s'agrandit...

Les mois filent, les contingences professionnelles interagissent avec les envies personnelles se heurtant elles-mêmes à des préoccupations intellectuelles concernant nos modes de vie actuels. Et longtemps — trop longtemps de mon point de vue, les projets d'illustrations, de dessins et de livres en textes-images s'interrompent, végètent, bloquent.

L'imminence d'un salon du Livre, d'un petit marché d'artisans, d'une exposition d'Arts visuels... me met à chaque fois le pied à l'étrier. C'est comme me passer une commande. Dans les plus brefs délais, je dois réfléchir, produire et concrétiser les envies, les projets. 

Dans la perspective de ma seconde participation au Salon SOBD, le salon parisien de la Bande Dessinée qui se tiendra les 2, 3 et 4 décembre prochains à la Halle des blancs Manteaux, dans le 4ème arrondissement, j'ai mis le pied à l'étrier. Enfin !

En cours d'achèvement, un nouveau projet d'album intitulé Un bestiaire Sage :


Pour lire un complément d'information sur ce septième album en autoédition, c'est ici.

©ema dée

samedi 15 février 2020

De l'Amour/ 2

Un était un play-boy de série B
Façon mauvais western
Roulant des mécaniques sur son cheval 
De course Citroën
La tignasse aux reflets fougueux 
L'allure fière aux montures argent serties
Dans son dos un aigle de cuir rutilant
Les pieds-santiags parés d'étoiles
Dans son œil l'éclat d'un noir d'or sale
Dans sa tête ceinte un souvenir 
D'enfance 
Sa chair tuméfiée aux lèvres fines

(À la surface de l'eau un frémissement)

Toutes reconnaissaient à Deux
Le charme bizarre la langueur serpentine
D'un modèle peint
Le triangle aigu de son visage de chat
L’œil hérissé le sourcil de cendre dilaté
Derrière l'éternel chemise à jabot blanc 
Froid
Sa dentelle mousseuse délicate 
Pauvre parure de reine sans trône !
Les mains pointues sages dévotes
Et la clope au bec à la dérive fumant ses rêves 
Adolescents

(Dans les profondeurs salines des tremblements)

Il fallut les petits petons de Trois 
Sa rondeur porcine 
Ses cris ébahis ses poings de porcelaine
Pour dresser un pont familial une digue 
De foi un toit d'espoirs

(À même le couffin le grand émerveillement persistant)

 

© ema dée

mardi 2 juillet 2019

Deux nouvelles expériences de lecture à voix haute : dans une gare, dans une librairie d'éditeur


Ainsi, je me suis lancée. Quasi sans filet. 
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Profitant de la 4ème journée sidérale de la lecture à voix haute Mots dits Mots lus du 29 juin 2019, j’expérimente la nouveauté d’un lieu, d’un public, d’un dispositif et d’une écriture littéraire.

Expérimentation n°1 : Investir un espace-temps au sein d’une gare. RER B, Luxembourg, 6ème arrondissement. 16h. Matière textuelle : poèmes et récit en prose personnels.

À l’heure dite. Liesse, chaleur, danse, musique et fébrilité joyeuses alentour, c’est la Marche des Fiertés ; mon espace-temps est pile dans sa trajectoire. Il va me falloir faire avec cette donnée exceptionnelle. J’aurai mon texte dans une main, mis en page comme dans un livre d’artiste, j’aurai un mégaphone bleu et blanc dans l’autre, comme j’ai vu faire mes modèles. Un nœud papillon jaune, vert et bleu autour du cou ma singularité –, le macaron autocollant de l’événement Mots dits Mots lus bien visible sur mon t-shirt. Je me lance. Premier texte : Un été bleu naïf.


Ici, le public est très hétérogène ; je peux l’observer à loisir : familles, bandes de copains, de copinesaux airs d’étudiants, d'étudiantes –, hommes et femmes d’âge moyen, couples. Très certainement des marcheurs venus grossir le défilé qui s’achemine le long du boulevard Saint-Michel direction le boulevard Sébastopol... Ou des promeneurs, des visiteurs. Un public nombreux, mais absolument pas captif, encore moins averti, plutôt passant et souvent à grande vitesse, et ce jour-ci encore plus que les autres jours. Dans l’intervalle, des gens intrigués qui cherchent à me comprendre des yeux, comme cette voyageuse, tenue décontractée, marche dynamique, cheveux bouclés, voix pleine de dents sympa –, s’arrête à ma hauteur, finalement me demande en souriant ce que je fais là, toute seule. Je lis, lui dis-je. Comme d’autres à Paris, en France, en Nouvelle-Calédonie, en Afrique… Bonne lecture, alors ! Sourires. Mégaphone brandi. Second texte : On est deux (comme des bribes) 


Mes mots coulent mieux, je crois que tout mon corps s’amuse. À présent, la lecture atteint son sens caché. Échos de conversations contradictoires en provenance du dedans, cependant : « Mais que fais-tu là, tout seule, cachée, alors que tous eux marchent ensemble dans la lumière ? – Une performance, je le crains. – D’autres lecteurs sont seuls, ailleurs, lisent ? – Oui. On est une communauté. Je vais donc poursuivre ma lecture, moi aussi. » Des groupes de jeunes gens s’arrêtent un moment à la périphérie proche de mon espace-temps. Me regardent avec curiosité, attention, inquiétude, malice peut-être ? Je me dis que, peut-être, certains écoutent, peut-être qu’eux voudraient m’entendre plus. Je précise mes mots, affute ma voix. Par touches, paliers, je m’installe dans la fébrilité ambiante, qui par moments se met sur pause, me laisse du terrain. Je fais corps avec la rumeur générale. Je deviens un épiphénomène alternatif. Troisième texte : Mon Jardin du Luxembourg


Et dans cette joyeuse pagaille d'un samedi de défilé symbolique, luttant pourtant pour faire entendre ma prose derrière mon mégaphone, je me suis mise à imaginer lire à voix haute dans les halls de gares, les bus, les trains !  

Expérimentation n°2 : Partager un texte littéraire que j’aime et savourer collectivement le plaisir de cette lecture offerte.  Invitation-lieu : la librairie Gallimard, boulevard Raspail, 7ème arrondissement. 18h15.  Matière textuelle : deux textes brefs de Dino Buzzati

Sur une chaise, le dos droit, l’oreille et le regard tendus. Goûtant l'atmosphère tranquille et agréable d'un lieu que je découvre. J’attends sans impatience mon tour, me demandant cependant quel texte lire. Car, m’a-t-on expliqué gentiment dès mon arrivée, il faut se limiter, nous sommes nombreux. 7 minutes ? Bien… d'accord... L’un et l’autre textes que j'avais prévus en amont de ce moment, J’enrage et L’augmentation, offrent tous deux une réflexion tonale intéressante. Dix lectures me précèdent. Les lectrices et les lecteurs de l’association Les Mots parleurs se suivent mais ne se ressemblent pas, font entendre les mélodies plurielles de voix littéraires inconnues, méconnues ou familières*. Enfin, pour ma part. Un libraire et la responsable du lieu fermeront la séance.

Quand vient mon moment, j’ai le corps calme. Contrairement à la plupart des autres lecteurs, je n’ai pas prévu de photocopies du texte que j’ai choisi. Je pose mon épais volume sur le pupitre noir, avec délicatesse. Cette nouvelle configuration, somme toute très banale pour une lectrice entraînée – aguerrie – me plonge dans un émoi grandissant : à peine ma lecture commencée, voici que je me mets à loucher les lignes fines se superposent sur le papier je saute des mots ma voix s’emmêle les rythmes pourtant apprivoisés deviennent rétifs ma lecture hésite à dire... Comme pour surmonter le trac, masquer que je suis impressionnée, je m'arrête, excusez l'émotion ! ...


Ce n'est qu'une courte pause, bien involontaire, mais un subtile stratagème pour mieux prendre mon élan et assumer ce qui va suivre... Une irrésistible échappée... Je sors d’une diction jusque-là « scolaire », sage, et « trop boutonnée du col », propose, sans avoir pu l’empêcher la retenir, une forme plus « incarnée », imaginée, jouée, rejouée – autorisée – dans le secret de ma chambre, plusieurs jours avant… Je suis tout à coup le narrateur sceptique de J’enrage, le « Je » qui se raconte s’interroge sur la Jeunesse, ce « vieux » de 45 à 55 ans – double probable de l’écrivain italien… (Je m'étonne d'être si à l'aise, me sens soudain grandie.)  Ce/ mon personnage a des choses à dire, et quand il les dit/ je les dis, il/ je regarde l’effet que ses/ mes paroles produisent sur le public. Un public habitué à écouter des textes littéraires. Conquis d’avance ? Non. Dans l’expectative, un sentiment de proximité ? Oui. Entre lecteurs on s'entend. Bien.

C'est en écrivant ce retour que je réalise rétrospectivement que ce que j’ai proposé samedi 29 juin, a relevé davantage de la lecture performée et de la lecture théâtralisée que de la lecture à voix haute au sens strict. C’est-à-dire une lecture attendue comme cet instant donné où la lectrice, le lecteur, lit les yeux dans les yeux du texte. La voix, le ton sont les plus neutres possible, ou si l’on préfère, la voix naturelle et le ton sont peu appuyés, peu mis en relief. Point de manières ou de fioritures vocales afin d’éviter de proposer une interprétation, ce qui laisse, par conséquent, le champ libre à la propre interprétation de l'auditoire : la lectrice ou le lecteur se tient respectueusement derrière le texte.

Moi, à cet endroit précisposée parmi des milliers de livres, des titres, que j'ai lus à l'adolescence et dans cette circonstance particulière de journée sidérale –, je l’avoue, j’ai lâché mes propres brides. Ai regardé le public dans le blanc de l’attention. Ai fait entendre l'autre personnage qu’est le texte et qui, à force de lectures d'entraînementde répétitions –, est devenu un compagnon de route. Nulle déférence vis-à-vis du texte littéraire, ni retrait ou hiérarchie. J'ai osé l'audace.
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Comme un contexte inédit ou simplement un peu différent de ce que l'on connaît peut s'avérer grisant, n’est-il pas ? Constituer une clé pour déverrouiller une porte gardée fermée ? Comme une expérience nouvelle, dans un semi-contrôle, peut devenir le moyen de se découvrir à soi-même capable et hardie, n’est-il pas ?  

*Pour ne pas se quitter désœuvrées-és, voici quelques références :

Dino Buzzati, Oeuvres, Tomes 1 & 2 (romans, nouvelles et autres textes brefs)
J. M. G. Le Clezio, La Quarantaine (roman)
Federico Garcia Lorca, Romances gitanes (recueil de poèmes)
Joseph Ponthus, À la ligne : feuilles d'usine (roman, autofiction)
Mark Twain, Cette maudite race humaine (recueil d'essais)
Émile Zola, La faute de l'abbé Mouret (roman)
Fritz Zorn, Mars (roman autobiographique)  

Un article qui poursuit cet article-ci.
Un article qui fait écho à la réflexion engagée dans cet article-là.

© ema dée

samedi 15 juin 2019

À propos de lecture à voix haute...

Au sortir d'une lecture à voix haute proposée à la librairie LDLE/ Justicia (Paris 15ème) par l'association Les Mots parleurs d'extraits du livre Grand Oral, petit traité de prise de parole en public, et d'une analyse de mon propre parcours de "créations sonores", je réfléchis à ce que cette forme d'expression orale – la lecture à voix haute – m'inspire. Je propose ici une sorte de longue "méditation" personnelle sur le sujet ; elle puise dans un état de mes connaissances culturelles et pratiques dans ce domaine à un moment M. Le texte est aussi disponible en version audio (en cliquant sur l'image).

https://soundcloud.com/user-492317834/ce-quest-la-lecture-a-voix-aute-reflexion

Lire à voix haute ? Choisir de dire un texte, pour quelqu’un d’autre que soi-même et ce, parce qu’on aime le texte en question, parce qu’on pressent qu’il va être apprécié par d’autres, qu’on imagine l’effet qu’il produira sur un auditoire ou que l’on sait l’enseignement qu’il peut prodiguer, parce que déjà, dans un rapport individuel – de 1 à 1, le texte face à soi et soi face au texte –, un événement s’est produit, le texte nous a ébranlés, fascinés, amusés, il a plu, tout simplement, et c’est la raison principale sinon la seule qui nous conduit à penser qu’il est nécessaire et qu’il doit être retransmis, partagé, que cela, le lire pour plus d’un que soi-même, relève peut-être d’une urgence, et pourquoi pas ? d’une pédagogie éclairée, d’un programme esthétique, d’une hygiène publique ; 

après, en ce qui concerne les conditions de ce partage, la réponse individuelle, réfléchie – pesée, organisée – au comment va-t-on s’y prendre pour gérer l’amont et l’aval de et à cette lecture, c'est-à-dire créer la situation propice au cours de laquelle un texte vient à la rencontre d’un public, moment ouvert et privilégié pendant lequel des mots, une syntaxe, une ponctuation, placés dans un ordre signifiant pour son autrice, pour son auteur, de telle sorte que l’ensemble – phrases, ton, style – raconte, explique, démontre, poétise, que tout cela, enrichi d’un message s’il y en a un à comprendre, à s’approprier, vient saisir des femmes, des hommes de tous les âges ou triés, composant un auditoire présupposé ou ciblé, rêvé, espéré – attendu –, autant d’individualités pour qui le texte dit prendra une coloration singulière, hic et nunc, ou plus tard, dans l’intimité, ou encore, au cours d'un échange collectif et passionné d’expériences communes ; 

comment donc créer l’évènement ? cette situation propice, où,  installés à l’intérieur, dehors, debout ou assis, sur une chaise, au sol, dans un lieu dédié ou aménagé pour l’occasion, une lectrice, un lecteur, et un texte, présence silencieuse parmi des milliards, matière solitaire amenée à prendre vie – matière vibrante, alors –, viennent à la rencontre d’un public ou de son public, grâce à la manière dont on s’est soi-même – en tant que lectrice, en tant que lecteur – saisi de la matière textuelle, la manière dont on l’aura décryptée, ces mille et une façons que l’on aura eu de l’interpréter, l’incarner, la proférer pour soi-même à l’avance, en amont, dans un espace anonyme, personnel – telle une chambre au saut du lit ou une cuisine à midi, un banc dans un jardin public, un dimanche matin, ailleurs –, ou au contraire, accompagné, dans un espace collectif, avec d’autres qui vivent, qui ont vécu, comme soi, comme nous, aspirants lecteurs, cette expérience grisante de la préparation, de la rumination, de la régurgitation à voix haute, chantante, monocorde, illustrative, d’une matière textuelle significative ;

une matière textuelle,récit, poème, réflexion –,  écrite, modelée, créée par l’autrice, l'auteur – comme venue au monde –, cette parole accouchée à voix basse, peut-être la nuit, l’esprit, le corps, l’âme, en surchauffe ou le jour, posé confortablement en terrasse, un café amer comme unique interlocuteur ou goûtant la saveur stimulante d’un thé parfumé, d’un chocolat, une matière textuelle griffonnée à la hâte sur un carnet, en suite de mots gravées, multiples inscriptions de bouts d’un autre soi-même, bribes de fictions, existences parallèles, les fragments d’une pensée plus globale, plus vaste – un monde en soi en ébullition –, une matière textuelle active qui, peut-être, à certains moments, au détour d’un paragraphe, entre deux chapitres, sera composée à voix haute par l’autrice, par l’auteur, dans un « gueuloir » d'un genre nouveau, privatif solitaire ou consacré ; 

le texte anxieux se questionne face à son miroir, composition motivée par l'énergie, l'envie de dire, le besoin d’expression propre de l'écrivaine, de l'écrivain, une intériorité complexe qui cherche à s’extérioriser par le prisme des mots et des figures choisis, à se simplifier, à se mettre en scène, espace médian original, terrain d’explorations libres de sa sensibilité, de son intellect, de son  art de la composition littéraire, matière textuelle, toujours, fabriquée plutôt au sein d’un « gueuloir » collectif, avec la Place publique – un café, une scène – le corps du texte paradant presque à vif, dans une sorte de vulgarisation provocatrice, un bout d’essai jeté en pâture – soi-même mis à nu ; 

c’est tout cela qu’il faudra, qu’il nous faudra préparer en amont, ce rapport corporel avec un autre, une identité littéraire d’esprit et de papier dont le texte constitue la trace, le vestige, le support d’un cri, aussi, d’impuissance, d’amour, de rage, de triomphe ? – on a bien le droit de se raconter ce qu’on voudra, de faire fi de l’exégèse, de l’explication, mieux de la clarification docte du texte, on a bien le droit d’écrire sa propre genèse afin d’écrire son cheminement personnel, d’inscrire en soi une expérience littéraire et d’être en mesure de lire, donner, offrir à qui est là pour la saisir, la recueillir, la savourer, une histoire ; 


lire à voix haute revient donc à se laisser prendre par un texte, à entrer, cela n’est pas extraordinaire, dans un corps à corps face à une matière textuelle capable de se montrer rétive, pleine de complications, de subtilités, de pièges, et, une fois le texte assagi, apaisé – dompté –, créer des conditions pour qu’il en soit ainsi pour d’autres, je veux dire, installer cet espace de liaison(s) entre, la lectrice à voix haute, le comédien, construisant ainsi une sorte de chaîne de (re)transmissions grâce à laquelle un texte connaît une seconde vie, des vies !, un lien affectif délicat se tissant entre une sensibilité de lectrice, de lecteur, et une sensibilité d’auditoire ;

l’auditoire sera captif, avisé, prévenu, par conséquent, circonspect ou involontaire, de passage, comme saisi, happé, apostrophé dans son quotidien, dans sa routine débile, mécanique, religieux rituel usant l’imagination ; 

il arrive que certains lecteurs apportent en soutien à leur voix tout un appareillage circonstancié ; 

pour que le texte soit délivré, il aura besoin, cet auditoire occasionnel, d’être violemment séduit, enivré, pris dans le piège serré des mots arachnides – quasiment emmailloté – ou alors, secoué par des paroles étranges et étrangères qui le tireront de son hébétude ; 

pour les autres, celles et ceux qui savent et qui ont pris l’habitude d’accueillir les mots dans des cercles, pas d’inquiétude, nul besoin de les convaincre, simplement, sans doute, il faut ne pas les décevoir ; 

s’il est d’accord, si le public est partant, les mots, les phrases, les paragraphes, le texte, le traverseront, ils lamineront gaiment sa douce quiétude, pendant quelques minutes, une demi-heure, une heure, et pour quel saccage en soi, à présent, si  la lecture est bonne !, je veux dire, si la lectrice, le lecteur, y a mis, le ton, l’énergie, la passion nécessaires – la fantaisie, la folie –, pour que se produise ce délicieux saccage intérieur de l’être à l’écoute, que le corps du texte ébranle le corps du public ; 

sur l’instant, soudain, un quelque chose de familier et de bizarre s’est glissé entre la peau et les os, entre la raison et le cœur, un quelque chose s’est imprimé plus ou moins profondément, un quelque chose s’est déposé sur la langue, le goût des mots ;

des réminiscences du texte, d’un geste de la main, d’un déplacement tout entier du corps de la lecture, d’une "danse littéraire" viendront ensuite, sûrement, des choses comme cela doivent se passer, il faut que le texte revienne en soicomme un arrière-goût de mots –, que le texte ait redessiné en soi les contours flous d’un ailleurs en stase aux aspects semblables à l’enfance ; 

il n’y a pas d’erreurs de lectures, d’incorrections, de liaisons insolites, de bafouillements, de voix ou de tons inappropriés,  il y a des voyages avec la langue des textes, il y a des épisodes littéraires, des transports de lectures, certaines aventures avec les lecteurs à voix haute pour guides et compagnons à la fois, seront moins dépaysantes que d’autres, jetteront l’autre celle, celui qui écoute distraitement ou intensément – dans des cascades, des déserts, des gouffres ou ouvriront sur les charmes charnus de plaines grasses et verdoyantes ; 

la lecture à voix haute exige cette préparation rigoureuse,  ce travail de saisissement du texte littéraire,  pour faire au mieux, il faut faire de son mieux ou ne rien faire, ne pas se laisser tenter pour de faux, il ne faut pas se précipiter si l’échec est prévisible, si l’on devine que le médiocre s’invitera et s’assoira à la table des convives, si l’à-peu-près sera de la fête et s’éclipsera avec la mariée, pour cela d’abord et contre cela ensuite, chacun a sa recette, il faut en avoir une – sans structure point de lecture ;  

par exemple, la répétition – appliquée –  du texte jusqu’à la lie, l’ivresse, lire et relire au point, oui, d’être quasi pénétré(e) par le texte, ses méandres, ses surprises, et le faire avec et sans musique – l'ajout d'un son, même momentané, peut aider à ménager des respirations bienvenues ; les exercices de prononciation variés – contrepèteries, virelangues et autres jeux de mots ludiques – d’une difficulté croissante provoquant parfois, à grand renfort de grimaces involontaires, une hilarité bienfaisante irradiant tout le corps d’une joie fort nécessaire, ma foi, car le plus performatif est à venir, et ce sera là une vigoureuse et saine gymnastique de l’organe, la glotte, la langue, la mâchoire, le cou ; la lecture enregistrée et écoutée avec une attention permettant une autocritique sérieuse mais bienveillante ; l'alternance de lectures sans rapport aucun avec le texte à dire afin de déterminer le ton juste par comparaison et différenciation ; enfin, en ressourcement, l'écoute scrupuleuse et si possible l'observation fine des performances de ses modèles courants ou occasionnels* dans tous les lieux connus, à découvrir, et à travers tous les médias et supports disponibles.

Le texte et sa lectrice, son lecteur, se sont choisis –  sont fin prêts , la musique du texte est présente en soi, imposant son rythme au corps, chauffant la gorge et bien calé en bouche, commandant le regard, les mouvements, le moment propice à la rencontre 1 + 1 + eux est aménagé, c’est une scène poétique, c'est une rencontre littéraire, dans un festival, un cabaret, un salon du livre, – toute cette belle sorte de manifestations culturelles, locales, nationales ou internationales, improvisées ou « institutionnalisées » – où l’on vient vivre des choses intéressantes, inspirantes – artistiques –, le public arrive, s’installe, attend, tendez donc l’oreille, à présent, Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, votre lecture à voix haute va commencer.

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* Pour se ressourcer, quelques pistes en mots, sons et imagesde lectures à voix haute et d'autres formes d'expression orales que j'ai pu découvrir durant ma formation au Master en Création littéraire (Universités du Havre et de Cergy-Pontoise) :  

la poésie action de Julien Blaine ;

la poésie ordinaire de Lucien Suel

la "poésie articulée" de Charles Pennequin, la poésie oulipienne de Jacques Roubaud, la "rumination minimaliste" de Christophe Tarkos ;

l'humour et le tragique dans le/ du langage poétique chez Jean-Michel Espitallier ;

– les explorations sonores de Christine Jeanney ;

les carnets-vidéos de François Bon, les poèmes-vidéos (ou vidéopoèmes) de Laura Vazquez  ;

– le  "combat avec la langue" de Christian Prigent ;

une lecture en musique d'un texte de Nietzsche par Gilles Deleuze  ;

une aventure de Plume d'Henri Michaux lue par Michel Bouquet ;

et, plus éloigné, le poème vocal dada intitulé Ursonate, écrit et interprété par Kurt Schwitters en 1932...

* Pour élargir son champ d'inspiration, collectionner des voix, devenir soi-même lectrice, lecteur pourquoi pas ? – , des évènements, lieux et opportunités que je découvre récemment :

Vox, le salon urbain de lecture à voix haute et des livres lus

La journée sidérale de la lecture à haute voix  Mots dits Mots lus


© ema dée