À peine quelques jours après son ouverture, je visite l'exposition de Gilbert Peyre l'électromécanomaniaque.
Installé à la Halle Saint-Pierre, son Oeuvre s’expose, varié, surprenant, magique, devant les yeux de visiteurs conquis, amusés, intrigués, séduits ou sur la réserve, mais en tous cas, assurément interpellés par ce théâtre d'une féérie un peu déglinguée, ce cabinet de curiosités parlantes.
Amateurs, curieux et connaisseurs de tous âges peuvent choisir d'être guidés, d'entendre quelques secrets de fabrication, ou de se laisser aller à des interprétations personnelles et à une visite nonchalante. Chaque pièce aura, c’est certain, son petit moment de gloire, pourra se donner en spectacle et chuchoter son message singulier, durant quelques minutes, sous le regard complice et vigilant d'un guide transformé, pour l'occasion, en maître de cérémonie.
C’est toujours inattendu, poétique ou drôle. Certains oseront parler d’un brin de « cynisme » : ici, un vélo d’enfant sans conducteur pleure, là, une femme sans tête se déhanche langoureusement, dévoilant un érotisme à fleur de peau, à côté, une jeune fille danse avec élégance dans son corps de lampe de chevet, plus haut, un déshabillé rose pâle coquin séduit un pantalon un peu strict, et plus au fond, une armoire bien agitée claque ses portes… de joie, de terreur, de colère ou... d’extase ?
... Un bras seul se tord d’amour. Reptilien. Une dispute conjugale a lieu. Soudain...
L’exposition présentera donc différentes pièces produites par l'artiste autodidacte : de ses toutes premières petites sculptures charmantes et étranges à ses réalisations récentes dites « électropneumatiques », en passant par ses objets animés, ses pièces mécaniques et ses œuvres électromécaniques.
Pour celle, celui, ceux qui auront le temps, il y a aussi à voir une vidéo reprenant le parcours de l'inventeur, à travers ses créations initiales d’abord, c’est-à-dire ses objets animés, marionnettes traversées de vide, héros et héroïnes de récits sans paroles ou presque : chacun et chacune vaquent à ses petites affaires répétitives, entêtées, mouvementées. Ensuite, il y a la présentation de sa première sculpturOpéra, intitulée Le piano, une création de grande envergure qui contient des œuvres qu'il sera possible de voir ailleurs, plus tard, séparément : Le Coq, deux verres amoureux qui trinquent ou La Ménine, par exemple. Cette pièce ambitieuse semble synthétiser à postériori toute l’esthétique de Gilbert Peyre : le mouvement et le temps, la rencontre et l'assemblage, l’amour, la métonymie et la citation, des sentiments tels que la colère, la surprise ou la joie, l’humour et la poésie bien sûr, mais surtout, l’utilisation de pièces de collection chargées de souvenirs et de matériaux dérisoires (rebut, élément brut, objet récupéré) de plus ou moins grande taille qui seront ensuite assemblés pour prendre place dans une histoire particulière qui leur donnera une nouvelle valeur, une présence différente, une place de choix : poupée, peluche, œil, pantalon, chaussure, masque, vaisselle, armoire, squelette, carte à jouer, tête d’animaux, éléments végétaux, boîte de conserve, bouteille…
... La grivoiserie se dispute peut-être au drame et à l'ironie ?...
Je découvre ainsi des pièces qui m’enchantent telles que l’incroyable haltérophile, la très séduisante femme sans tête, la gracieuse Ménine ou l’hypnotique danseuse du ventre. Cette exposition est aussi l’occasion pour moi de revoir des pièces fortes présentées dans une mise en scène inédite : J’ai froid, Le Coq, La petite fille et Cupidon. Comme la première fois, je reçois un coup au cœur devant le charme bizarre de l'intimidante installation J'ai froid... J'éclate d'un rire excité et ravi devant l'hystérie collective - orgasmique ? - qui agite tous les acteurs de la sculpturOpéra Cupidon...
Je goûte la joie des visiteurs, leur surprise, leur ébahissement, leur fascination pour l'univers à la fois fantastique, décalé et poétique de Gilbert Peyre. Je partage également leur curiosité et leur perplexité enfantines devant certaines œuvres : "que va-t-il se passer là, et après, et ensuite ? Ah, c’est déjà fini ?! On peut en voir encore, non ! Ah, pas tout de suite ! Bon... Et ça, comment ça tient ? Et, qu’est-ce que ça dit ?... Ça a parlé, hi, hi, t’as entendu ?!... "
... Pas à pas, de l'émerveillement collectif au plaisir individuel en secret...
Tel un marionnettiste, il donne vie à des personnages humains ou animaliers familiers, danseuse, équilibriste, conducteur de train, coq, singe quêteur, ourson en peluche… Une vie d'automates bien singulière qui montre toutes ses ficelles et câbles électriques. Cela n'est pas dit, mais face à leur complexité et leur précision savantes, on devine l'artiste penché avec tendresse et méticulosité sur ces pièces qui révèlent une véritable maîtrise en ingénierie électrique. Avec le doigté d’un chef d'orchestre, d’un metteur en mouvement, d’un grand assembleur de matériaux, pièces, fragments dérisoires ou mémoriels avec du vide, Gilbert Peyre fabrique de troublants poèmes visuels.
Pour vivre sa propre expérience de l'événement :
Exposition Gilbert Peyre l'électromécanomaniaque
Halle Saint-Pierre
2, rue Ronsart, Paris 18ème
Du 16 septembre 2016 au 26 février 2017
© ema dée