Intriguée par l' affiche vue dans le magazine gratuit Métro présentant
l'exposition de la plasticienne Kara Walker, je me rends au Musée d'Art moderne
de la Ville de Paris, situé dans le 16ème arrondissement.
Je ne sais rien de cette artiste, à part qu'elle est afro-américaine, qu'elle est née en
1969 en Californie et qu'elle se livre à des singuliers photomontages. Je ne me
renseigne pas vraiment dessus ; je préfère l'inattendu.. Mon Ennemi, mon Frère,
mon Bourreau, mon Amour… tout un programme.
Rien ne me préparait à ce que j'allais voir. Pour l'artiste, des murs entiers ont été investis ; sur des mètres d'un blanc immaculé, s'étalent des ensembles de longues silhouettes noires
découpées, entre fresques historiques et théâtre d'ombres immobiles. La finesse et la grâce de certains personnages me séduit en même temps que
je ressens déjà devant cette première scène représentée une fascination
morbide… Ici, sont rassemblés les principaux protagonistes d'une histoire
qu'elle se propose de raconter : celle de l'Esclavage. Le maître, la belle, le
soldat, la servante, des enfants qui sortent de partout et nulle part… Entre
“primitivisme” et référence à la Colonne sans fin de Brancusi, c'est Endless
Conundrum, An African Anonymous Adventures.
Plus loin, dans de petites salles rectangulaires, sont exposés esquisses,
notes, dessins à l'encre, à l'aquarelle et la craie. Tour à tour exutoires,
traces autobiographiques, réponses à ses détracteurs, provocations lancées
envers les Blancs comme les Noirs ? Son œuvre dérange et reste controversée.
Au travers de sa négresse, l'artiste évoque la violence et l'ambiguïté des
relations maîtres - esclaves. Non pour parler d'un passé révolu mais pour
réécrire, ajouter une touche personnelle, lever le voile de la honte,
dépoussiérer, bousculer, malmener les idées toutes faites véhiculées par
certains films.
Sans concession, elle livre une vision obscène faite de défection, de
suicide, de viols… Son oeuvre me gêne un peu à cause de son fort contenu sexuel… D'ailleurs, me voilà
devant sa seconde réalisation en "wall over" : maîtres, esclaves, enfants se
mêlent curieusement… Je fuis. Encore…
Plus loin, des paysages abstraits projetés au mur et des silhouettes collées
ouvrent sur un autre type de création plastique : les films d'animation. Là,
elle conte et manipule par des baguettes les mêmes personnages, les mêmes
silhouettes noires sur fond blanc. Ici encore, le regard n'est pas épargné :
violence, cruauté, sensualité exacerbée… J'ai été surprise par la très grande
simplicité de ces réalisations : le drap faisant habituellement écran entre le
manipulateur et les personnages est ici si fin que l'on peut voir l'artiste
parler et bouger. Comme si K. Walker affirmait sa tout “puissance” de créatrice
mais en même temps son impossible retrait de la scène, son impossible anonymat ?
D'autres salles présentent son travail d'écriture de poèmes étranges, tels
des cris de rage en prose, de textes de slam protestataires, milliers de mots
lancés comme de multiples poignards. Vers qui ?
J'avoue n'avoir pas pu suivre la totalité des films d'animation qui, pour
moi, n'étaient que des variations sur les mêmes thèmes : la sexualité forcée, la
perversion, l'impunité de l'esclavage ainsi que le jeu de pouvoir. Partout des
enfants : fruits de multiples incestes, d'adultères, de viols…
Je m'attendais naïvement à des photomontages façon Heartfield - que je ne
dénigre pas entendons-nous bien! Et, je me suis retrouvée devant une œuvre
dépouillée, extrêmement connotée, engagée, parfois drôle, souvent cynique…
Si cette exposition rend hommage au travail de l'artiste afro-américaine
Kara Walker (collages, dessins, peintures, films d'animation, textes), elle
actualise la question de l'Esclavage, celle des femmes et des enfants et
relance le débat sur les liens Blancs-Noirs et Noirs-Blancs… peut-être?
En tout cas, il faut remarquer l'excellent travail de scénographie, les
salles successives respectent la force des travaux de l'artiste. De même, on
ne peut être insensible à la précision du détail, la maitrise du découpage et
le savoir-faire graphique. On peut faire abstraction du message mais pas durablement.
Sur l'exposition
L'exposition dure jusqu'au 9 septembre !
Bonne visite