On l'aura compris, je manie les mots et les images dans l’objet livre et pour l’objet livre. Depuis des années, je m'intéresse, en particulier, à la trace, au geste créateur de formes sensibles, à la perte de souvenirs et à la matérialité comme aux liens texte-image. Le livre existant en un seul exemplaire répond lui à deux enjeux : 1°) me permettre d’explorer des questionnements esthétiques, techniques ou sémantiques, à un moment donné ; 2°) créer des objets culturels et plastiques à l’identité forte.
En femme de mon temps, je me nourris à bien des sources. Par exemple, des leçons de Bruno Munari : chez le designer, illustrateur et pédagogue italien, l’acte de lire s’apparente, grâce à des choix de conception radicaux, à de multiples situations ludiques à inventer en direction des jeunes publics. Car, elles sont propices au déploiement de leur sensibilité et favorisent les apprentissages. Chacun des livres présentés ci-dessous s’adresse cependant plus volontiers à un public adulte. Je me plais à penser - à tord ou à raison - que ma démarche se place pile entre le livre pauvre, le livre d’artiste conceptuel et le livre-jeu.
*
«Produire autant de
livres qu’il existe de supports comme autant de questions qui cherchent
leurs formes définitives » voici un mantra bien particulier qui m'est
cher. Depuis 2006, ponctuellement, par besoin d’explorer, de concrétiser
ou simplement de tester, des objets livres prennent formes à la faveur
de carnets, de cahiers, de matériaux découverts par hasard, adaptés,
transformés, combinés... C’est pourquoi aucun objet représenté ici ne
ressemble à son voisin. À travers cet ensemble hétéroclite, la créatrice
polyvalente que je suis manifeste son goût pour la découpe au scalpel, la reliure artisanale,
la couture sur papier, le modelage mais aussi pour la transparence,
l’évocation ou la mélancolie poétique.
Ici, cheminement entre livre promenade, abécédaire décalé, portraits sculptés au scalpel, carnet coloré de souvenirs, livre de larmes...
*
Des objets naissent fortuitement ; un support se présente, un besoin d'exorcismes se manifeste et... en avant ! L’eau-de-soi (2011) est l'un de ces objets fortuits : il a à voir avec le non-formulable, l’intime, le tenu secret (qui déborde). Mais par-delà sa présentation matérielle, l’objet appelle le tactile. Car, pour accéder aux mots écrits sur les cailloux de papier, pour accéder à un souvenir partagé, pas le choix, il faut se saisir de la bouteille et l’agiter, puis lire, deviner, imaginer... Ce rapport à la transparence comme au jeu qui remet en question la sacralité de l’œuvre d’art, ou encore, questionne mon besoin de vide, continuera d’habiter et de hanter mes productions livresques à venir.
Là, des formes arrondies piégées, côté face, le papier maculé de peinture acrylique, côté pile, des bribes...
*
Dans le cadre de mon Master en Création littéraire contemporaine puis de mon Master en Art contemporain et Sciences humaines, j'interroge ma relation aux arbres, ceux peuplant ma jeunesse parisienne comme ceux rencontrés aujourd’hui. Cela compose un ensemble de sensations qui tapisse ma mémoire enfantine comme ma mémoire vive. De cette introspection, jaillissent des images photos, des dessins, des mots, des fragments variés évoluant en objets à lire, faits à la main, ou en recueils thématiques imprimés. Un portrait « kaléïdoscopique » se dessine et s’expose : l’arbre - socle de la mémoire, l’arbre - embrayeur de voyages en soi, l’arbre - digne prétexte à un inventaire fantastique, l’arbre - motif d’une écriture poétique et documentée...
Là encore, mince carnet d'études, inventaire
photographique ou inventaire dessiné, triptyque, recueil... tout une
arborescence d'expériences éditoriales à partir d'un même sujet !
*
Dernier type de productions, mais non des moindres, inspirées des pochettes surprises qui me faisaient saliver de convoitise durant mon enfance, quatre boîtes. Elles renferment en leur sein une série d’images dessinées et reproduites. Un bref récit inédit les accompagne. Comme un écho, un commentaire ou une introduction. Le tout se place entre un désir d’autofiction et une tentative d’autoportrait. Ces souvenirs en boîtes procèdent d’une envie : proposer une manipulation d’images comme lieu(x) de (ré)inventions.
Aucun commentaire :
Enregistrer un commentaire
Ema Dée vous remercie de votre curiosité et de votre visite. À bientôt !