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lundi 20 août 2018

Benetton est mort ?

 

Il y a plusieurs semaines, j'apprends par un ami qui aime suivre l'actualité "People" plus que moi (et qui la décrypte probablement mieux que moi, aussi, dans bien des cas) que "Benetton est mort".

- Benetton est mort ?
- Oui, le 10 juillet 2018.
- Ah ?!

Surprise. Tristesse. Interrogation. Nostalgie.

Me reviennent, d'un coup, des portraits en technicolor. Ils sont accompagnés d'un long rectangle un cartel −  toujours le même, vert, placé dans le coin en bas à droite, à gauche ou au milieu −  on peut y lire United colors of Benetton. en lettres blanches. Une signature, plus, la marque d'un savoir-faire, d'un vouloir-dire, d'un engagement-communication.

 

Ce sont pour beaucoup des portraits - souvenirs de pages de magazines féminins, très en vogue dans mon paysage culturel de l'époque. Mais pour la plupart, ce sont des affiches publicitaires, en très grand format, collées, recollées, superposées, aperçues, croisées sur le quai de ma ligne de métro quotidien, au fil des jours, des mois, des années. 

Je les découvre. Je les observe. Avec des émotions mêlées − mélangées. Mon regard fan de fringues est fasciné, sa pupille, éveillée ou rêveuse, contre des visages, des corps, des étoffes, des matières colorées sérigraphiées et exposées de l'autre côté du quai.

Je m'inquiétais alors pour la santé de la Mode de tous les jours, du prêt-à-porter du bas de l'immeuble ; je réfléchissais aux idées de tolérance, d'altérité, de voyages en terres étrangères et de rencontres avec l'Inconnu ; je méditais, au bout du compte, sur les concepts de "genres", de nationalités, sur les marques distinctives de races, sur les expressions identitaires et les questions d'éthique. Avant la lettre.

 

À l'époque, Benetton. me choque, Benetton, me transperce, me perce à jour, Benetton m'afflige, me violente, m'interpelle, Benetton me secoue, me questionne. C'est quoi pour moi la Mode ? Son rôle ? Son impact ?

Je monte dans ma rame de métro, le cœur, l'esprit, les yeux, remplis de géantes et de géants de papier, souriants, graves sérieux. Oui, mannequins ordinaires ! je vous prends au sérieux. Quelques minutes. Vos yeux francs, votre regard qui ne se détourne pas, ne se détournera pas −  où que j'aille sur le quai −  m'interrogeant des yeux, me hurlant presque au visage : "Qui es-tu ? M'aimes-tu ? T'aimes-tu ? Aimons-nous, veux-tu ? Aime-moi tel(le) que tu me vois !"

Vos présence de cellulose à n'importe quelle heure du jour et de la nuit métropolitaine.

Des objets m'assaillent, aussi, comme des boutons en bois et... des détails, pelucheux, tissés, tricotés, impeccables, ce sont des pulls −  tout doux, de longs manteaux −  appliqués, des pantalons très tendances, des robes sages et passe-partout, tout cela mis en scène, saison après saison, dans une vitrine, boulevard Saint-Michel, boulevard de mes espoirs au porte-monnaie creux.  


J'achèterai néanmoins un jour un pull à coll roulé. En mohair. Blanc. Hérissé de poils laineux. Avec de très longues manches. Quand je le portais, je me disais : "je suis couverte d'une neige pelucheuse". Pourtant, il me tenait chaud sur les bancs de la fac rue Saint-Jacques.

- Un pull en neige ?
- Oui. Je l'aimais beaucoup, ce pull de neige immaculée. J'ai l'impression de l'avoir gardé longtemps, comme un trésor particulier. Je ne me souviens pas, par contre, de comment il a disparu, un jour, de ma garde-robe. 
Il était de cette sorte de trésors très féminins, si importants quand on commence dans une vie de demoiselle ! Fut acheté en soldes. Comme un cadeau fait à moi-même pour me féliciter d'être... moi-même.

Benetton est mort. J'imagine que ça va faire du bruit. Non ? 

— Petite précision, s'empresse d'ajouter mon ami, me tirant de mes rêveries : c'est Carlo Benetton qui est mort. Mais la marque perdure, bien sûr.
Bien sûr ! Benetton, c'est à l'origine quatre têtes pensantes. (L'Oeuvre est donc préservé.

 
Nouvelle résurgence, nouvelle plongée personnelle : années 1990 -  début 2000, Benetton fait scandale, polémique, des images chocs délient les langues, noircissent des pages de magazines. Benetton ne laisse pas indifférent, marque les esprits, se porte tel un étendard les épaules droites, le cou et la tête dans tout le prolongement du message, comme un appel en faveur du multiculturalisme, d'une autre humanité, celle au visage du commun des consommatrices et des consommateurs.

En dépit des références à l'Art très marquées, selon moi et c'est ce qui me touche, me touchera encore longtemps Benetton. définit ses repères, crée ses propres icônes : femmes, hommes, enfants, ils sont noirs, roses, jaunes, bleus, blonds, roux, bruns, châtains, violets, bleu marine, vert émeraude, blancs, fleuris, frisés, jeunes, vieux, très jeunes, amoureux, amoureuses, mêlés, entremêlés, engagés, souriants...  Tous posant. Très posés. Disposés. Mais pas disponibles pour autant.

Benetton communique en couleurs, usant d'une palette carnée, "pluri-pigmentée", polysémique.

Dans le mausolée de ma mémoire, on peut lire "Ci-gît mon pull Benetton". Je te remercie pour ta douceur durant les hivers solitaires dans ma vie de fille fière célibataire.  Je remercie United colors of Benetton. pour la douceur qu'elles m'ont offerte durant certains hivers de mon existence de petite parisienne.

© affiches d'oliviero toscani
© article et dessin d'ema dée

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Ema Dée vous remercie de votre curiosité et de votre visite. À bientôt !