Produire un abécédaire tel que celui que j'ai fait sur leporello jour après jour ce mois-ci s'est apparenté aussi à une plongée dans les profondeurs. Il a fallu, en outre, produire en louchant un peu, du côté de la lettre - du signe, du mot - et du côté de l'image, de l'illustration, peut-être de l'histoire résumée à une petite scène.
Mon mot d'ordre ? En se servant de la lettre comme levier, lister les procédés à la source de la création de mes images, interroger ma pratique du dessin au trait et convoquer mes influences "immédiates", artistes et autres faiseurs.ses d'images. Par "immédiates", entendons les références évidentes, celles qui me viennent sans trop réfléchir... En laissant venir le plus immédiat, ont surgi des profondeurs d'autres figures tutélaires. Pour quoi faire ? Des emprunts, trouver des appuis, soutenir l'inspiration, produire des contrastes, des rapprochements inédits, s'approprier.
Ainsi, un jeu dans la relation lettre-image se met en place, à différents niveaux : relations de connivence, de correspondance, de complétude et/ ou de redondance. Cependant, rien n'est édicté à l'avance, les liens se tissent en faisant, en dressant l'inventaire progressif des gestes et des opérations plastiques.
En gardant à l'esprit l'un des objectifs premiers d'un abécédaire, à côté de celui de proposer un "monde" à lire et à faire découvrir à l'enfant par l'image puis par le texte — cette sorte de pré-livre, parfois, ce dictionnaire d'avant le langage construit, établi — , il s'agira d'offrir un mode de relation visuelle aux choses, à leurs formes, j'ai construit mon abécédaire en explorant l'espace de la page blanche. Très simplement. Afin de pouvoir mettre en place ces relations mot-image plus complexes.
Enfin, parce qu'il n'y a pas eu préparation(s), je veux dire, une réflexion en amont du projet avec ses recherches préalables permettant d'emblée d'écarter des pistes, certaines lettres, illustrations ou pages sont à revoir. Tout n'est pas homogène, d'une égale qualité ou d'une égale pertinence. Libre à chacun.e de penser que l'essentiel à retenir est l'ensemble de l'objet, le mouvement global dans lequel il invite le regard à entrer. Ou pas, en préférant s'arrêter à chaque lettre pour (re)sentir sa densité. Malgré tout, le leporello oblige à une certaine forme d'appréhension de la lecture : c'est dans le défilement que la production peut s'apprécier.
J'aime pour ma part parler de "rebond" : une image perfectible s'équilibre avec la suivante ou celle qui la précède, à condition que celles-ci soient plus léchées, plus puissantes. Ce faisant, la réécriture (refaire un dessin de lettre et/ou l'illustration, choisir un autre mot) est conduite davantage par un sentiment d'inachèvement qu'il convient de prendre en compte, que par la volonté de faire mieux. Sachant qu'on peut toujours faire mieux — le mieux étant incertain, versatile, pire, exigeant, la volonté étant elle faillible et fragile — tâchons au moins de faire bien (et juste !).
©ema dée
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