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jeudi 1 octobre 2015

Écrire de l'autofiction : un soi déguisé

"Un morceau de vie/ De soi à soi/ De soi vers l'Autre/ Oui, mais lequel ?
Un texte, une histoire, un récit ?/ Oui, mais avec quel ton ? Et à partir de quand écrire ?/ Et dans quel but ?
Une écriture/ Une écriture égoïste/ Une écriture nombriliste/ Une écriture pansement/ Une écriture thérapie/ Une écriture clarification/ Une écriture exorcisme/ Une écriture pardon/ Une écriture mémoire/ Une écriture pied-de-nez/ Une écriture règlement de compte/ Je règle mes comptes/ Avec qui ?

Pourquoi ça intéresserait ?

Comment fait-on quand on n'a rien vécu de cataclysmique ? Quelle place pour l'autre Histoire ?
Depuis quand ce besoin de dire ? Pourquoi cette urgence à dire ? Pourquoi cet impérieux désir de dire ?
C'est que quelque chose ne va pas, c'est qu'il se passe quelque chose ou que justement, il ne se passe rien alors que ça devrait, c'est quand ça se passe d'une manière terrible...
La faille
L'épisode qui ne s'efface pas et qui se répète, qu'on répète et qui brouille, par moment, la perception de la vie autour de soi et en soi, c'est comme avancer avec un voile posé entre soi et les autres et entre soi et soi, l'épisode qui modèle la vie autour de soi et en soi.

L'instant où ça bascule en soi. 

Le lien rompu, trop vite alors qu'on n'était pas préparé, qu'on pensait que la vie s'écoulerait mollement sans accroc de l'enfance à la vieillesse, sans ride sur la surface limpide de l'existence. 
Un nœud à la place. 
L'événement où on n'a rien compris, l'événement qui a soulevé la peau de la vie et qui a révélé l'horreur possible des liens familiaux, la difficulté acide des communications parfois, le choc de l'épouvantable réalité.

Comme une vie de quelqu'un d'autre assise dans sa propre vie, comme une vie parasite, accrochée.

Pourquoi maintenant ?
Il faut que la double vie serve à quelque chose, il faut que la clairvoyance serve quelque chose ou se taise, il faut que le dédoublement de soi soit sous ou hors contrôle, il faut sortir du cercle.

Faire taire les voix contraires... Trouver un moyen de s'autoriser un dévoilement, sans victime supplémentaire sans amoindrissement de sa douleur sans arrangement des faits sans aplanissement des sentiments... "



C'est avec ces questions non formulées, ce "mystère de l'origine" non élucidé que je décide de suivre le workshop d'Yves Charnet sur l'Autofiction. Deux jours me paraissent de prime abord insuffisants pour pouvoir parler de soi et écrire sur/ avec soi devant et aux côtés des autres étudiants-tes. Parce que l'espace de quelques instants, je me mets du côté de l'acte d'écrire et non de celui de parler de soi. Sur ce point, tout est clair à la veille de l'atelier, je suis prêtre à jouer, à mentir ou à travestir mon expérience pour me débarrasser de l'exercice. Je me dis surtout qu'écrire quelque chose de valable me prends du temps car j'ai besoin de me relire deux milliers de fois, un millier pour accepter le style, un autre millier pour mon autocensure.  Alors s'il faut être honnête, comment faire ?

"Écrivez sur la faille... Parlez de vous au travers d'un prisme particulier... "

Ce temps de travail s'annonce intense. Déjà, je découvre ce que va représenter pour moi l'autofiction : une réponse possible à ma difficulté à raconter ma vie de manière autobiographique, c'est-a-dire selon ce que je connais du genre, linéaire, cohérente et soignée, car je ne suis pas un personnage célèbre, ni une historienne, ni une philosophe... je ne viens rien prouver, ni révéler ni consigner en vue d'un enseignement ou d'un message, je n'apporte aucune théorie révolutionnaire... je veux juste parler d'un fait ou deux, insignifiants ou anodins pour d'autres peut-être, mais fondamentaux pour moi.



Car c'est ce que j'apprends : l'un des moteurs de l'autofiction est ce rapport à une expérience particulière ou plusieurs - qui sont souvent les échos ou les formes déguisées de la première - et qui marque la personnalité profondément, d'une manière des plus spécifiques. Cette expérience est celle de la faille, du trauma originel. Je ne crois pas qu'elle soit partagée et si elle est, je veux dire si chacun a fait l'expérience d'une faille, tout le monde n'a pas envie de travailler sur elle.
L'autofiction me séduit telle que je la découvre. J'y vois la possibilité de faire de mon expérience individuelle le terrain d'expériences et de recherches littéraires - et graphiques - plutôt que le compte-rendu scientifique de faits qui déjà ne m'appartiennent plus et auquel je cherchais à me plier depuis des années sans succès. J'ai multiplié en effet les alias et j'ai regardé la béance qui me donne des cauchemars depuis l'enfance du haut de mon échelle. Avec mécontentement. J'ai écrit des phrases circulaires...

L'autofiction semble assumer la mémoire fragmentée, les souvenirs épars... la mise en œuvre d'une fiction d'un réel individuel.


Le genre, apparu à la fin des années 1970, beaucoup étudié depuis, me semble en effet être plus riche que je l'appréhendais et beaucoup moins effrayant - attention, je n'ai pas dit moins éprouvant. Se raconter en deux jours en sachant que le résultat va être évalué peut représenter, soyons franc, une véritable pression. Pour se débrouiller, une solution possible, développer une méthode qui s'appuie sur le travail d'autres écrivains ou qui puise dans d'autres arts. On parle de soi certes, mais pas n'importe comment, s'il vous plaît ! 

Voici diverses manières de se débrouiller avec cet "exercice" : 

partir du titre d'un livre connu ou d'un des livres qu'on aurait voulu/pu écrire ;
partir d'une période de sa vie,  d'un souvenir "précis", d'un rêve, d'une image récurrente et étrange ; 
partir d'un objet perdu ou d'un objet réel ;
partir d'une forme d'écriture, d'une phrase particulière, d'un mot : une insulte, un surnom, une formule toute faite, une répétition ;
partir du familier, un lieu, une personne plus ou moins proche ;
partir d'un document qui ne nous appartient pas mais qui nous parle cependant d'une manière sincère comme une photographie ;
partir d'une singularité personnelle : un tatouage, une manie...

Vous aurez compris l'importance du déclencheur et du cadre de l'écriture, le catalyseur étant le temps et l'urgence à fournir un matériau littéraire intéressant non parce qu'il est terminé, mais parce qu'il propose un positionnement très personnel par rapport à l'autofiction. Chacun durant ce temps de création à la fois en soi et ouvert aux autres a proposé son positionnement : contournement, à bras-le-corps, avec distance... J'ai choisi pour ma part d'interroger ma mémoire en utilisant un abécédaire et un jeu d'associations de mots à la manière des Surréalistes. Je produis alors un ensemble de fragments littéraires qui puisent dans l'enfance et l'adolescence surtout, et qui cherche à rendre compte à travers le morcellement, de la réalité singulière d'un parcours, de mon identité.
eXcès (de rien) - Extrait de Travers d'(au)truie, une vie en pièces

Solitude
Dans l'eXpérience 
Dans l'eXpérience de l'eXistence
dans l'Expérience du seXe amoureuX
Dans l'eXpérience du seXe amoureux et de l'eXistence eXténuante
Merditude

Croissance sous X
Passion sous X
Héritage sous X  
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Il existe beaucoup d'ouvrages sur le sujet des écriture de soi et de l'intime (autobiographie, autofiction, mémoire, journal, rêverie, essai...) On peut lire, par exemple :

L'autofiction d'Isabelle Grell, éd. Armand Colin, coll. 128 ;
Le pacte autobiographique de Philippe Lejeune, éd. du Seuil, coll. Poétique ;
Les armoires vides, d'Annie Ernaux, éd. Gallimard, coll. Folio (bien que l'auteure ne considère pas qu'elle écrit de l'autofiction) ;
W ou Le souvenir d'enfance de Georges Perec, éd. Gallimard, coll. L'imaginaire (Le livre est disponible dans d'autres éditions, d'autres collections) ;
La fourrure de ma tante Rachel de Raymond Federman, éd. Léo Scheer, coll Laureli ;
Le cri du sablier de Chloé Delaume, éd. Farrago/ Léo Scheer
Enfances de Nathalie Sarraute, éd. Gallimard, coll. Folio (Le livre est disponible dans d'autres éditions, d'autres collections) ;
Métaphysique des tubes d'Amélie Nothomb, éd. Albin Michel...


© ema dée

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